J'ai peur de mal anticiper le futur

J’ai peur de mal anticiper le futur
Bande de Flippés, c’est notre podcast en partenariat avec Le Lab RH.
Dans cet épisode :
- Stéphanie Fraise – Chief Human Resources Officer
- Sa peur : mal anticiper le futur
Vous pouvez l’écouter, ou simplement lire la transcription ci-dessous.
Bouh !
À retenir de cet épisode
"Apprendre à apprendre fait partie, pour moi, du meilleur conseil que je puisse donner à n’importe qui."
La transcription de l'épisode
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:00:00] J'ai peur de mal anticiper le futur.
Intro/Outro [00:00:08] Bouh! Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des RH et des recruteurs. Que l'on ait 2 ou 20 ans d'expérience dans la fonction, les doutes subsistent, inhérents à la complexité de la nature humaine. A qui puis-je en parler ? Dois-je partager à ce sujet ? Où trouver les solutions ? Nous partons à la rencontre de DRH, RH, recruteurs et recruteuses qui se confient à notre micro et ont décidé d'affronter la peur... de parler de ses peurs. Dans cet épisode, nous rencontrons Stéphanie Fraise. À la Direction nationale des ventes réseau chez Canal+, Chief People Officer chez Dailymotion, VP Global Talent Manager chez Blablacar et aujourd'hui à la tête des ressources humaines chez OpenClassrooms. Et pourtant... flippée.
Mathilde Le Coz [00:00:53] Bonjour Stéphanie.
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:00:55] Bonjour Mathilde.
Mathilde Le Coz [00:00:56] Est-ce que tu peux nous expliquer ta peur ?
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:00:59] Oui, alors on a mis un peu de temps à la choisir mais finalement elle est très appropriée je trouve : c'est la peur de mal anticiper le futur. Alors concrètement, de quoi ça parle ? Ça parle d'un sujet que je trouve extrêmement important dans nos environnements de RH, c'est l'enjeu qu'on a autour de l'identification des compétences. Quelles compétences on aura besoin pour nos collaborateurs dans le futur ? Quelle est notre capacité à les anticiper ? Et c'est des compétences à la fois en termes de qualité, les définir, mais aussi en termes de quantité. Ce qui va rejoindre un peu des sujets autour des notions telles que le Strategic Workforce Planning par exemple, qui est un outil au service de cette anticipation, qui est un peu la version anglo saxonne de notre GEPP que nos RH connaissent certainement et qui vise à une gestion un peu plus dynamique, itérative, orientée sur le business de la gestion prévisionnelle des compétences et qui est évidemment un sujet très important.
Mathilde Le Coz [00:01:56] Très important pour les DRH. Donc, de ce que j'entends, comme si on devait être en capacité de prédire un petit peu ce qui allait arriver, prévenir ce qui allait arriver ?
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:02:06] Oui, alors ce sujet de la prédiction, en effet, c'est un sujet important, sachant qu'on évolue quand même dans un contexte qu'on peut souligner. On parle aujourd'hui d'une obsolescence des compétences dites techniques de 18 mois. En tout cas, c'est les derniers chiffres que j'avais eu, ça s'est peut être encore accéléré, c'est peut-être même encore plus court que ça. Ce qui d'ailleurs souligne l'importance d'autres compétences qui sont, elles, plus soft. On pourra peut être en parler un peu plus longuement. On évolue dans un environnement qui est passé d'un environnement qu'on appelait VUCA, si certains sont familiers avec cet acronyme et qui était Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu. Et j'ai récemment entendu qu'on évoluait désormais dans un environnement qui est BANI. Donc je peux peut-être expliquer ce dont il s'agit, qui est évidemment un acronyme anglais, mais qui signifie Fragile : c'est à dire que, en gros, le volatile a cessé d'être solide, il est devenu fragile. Le A et pour l'Anxiété : en fait, on est même plus incertain, on est désormais anxieux. Le monde n'est plus complexe, il est désormais Non linéaire : on évolue dans des systèmes qui sont non linéaires et ce qui était ambigu est devenu Incompréhensible. Alors pourquoi je parle de ça ? C'est que bien sûr que du coup, quand il s'agit pour nous RH d'anticiper sur quels vont être les besoins en compétences de nos collaborateurs dans les années à venir, on se dit notre tâche va être ardue et compliquée et c'est pour ça que j'ai choisi ce sujet, sachant que par ailleurs on a eu un certain nombre d'éléments de contexte récents, que ce soit la crise, par exemple du Covid, les tensions qu'on peut avoir sur le marché de l'emploi, on a bien vu que c'étaient les entreprises qui finalement se préparaient le mieux à tous ces sujets qui réussissaient à s'en sortir avec le moins de mal possible. On a un enjeu que tu connais bien, toi, Mathilde, qui est la nouvelle génération et qui est un sujet qui, je sais, est cher à ton cœur et sur lequel tu travailles beaucoup, qui évidemment nous amène à nous challenger et à repenser notre façon justement d'approcher ces sujets. Et alors bien sûr, on a l'avènement de l'IA générative qui est venue bouleverser tout ça avec un degré de rapidité que je pense personne n'avait complètement anticipé en vrai.
Mathilde Le Coz [00:04:13] En effet, je pense que c'est une peur partagée quand même : quelle est notre futur ? Est-ce que tu penses que aujourd'hui, les outils RH actuels, en tout cas qui sont mis à notre disposition, sont suffisants pour anticiper ces changements ? Ou alors tu penses que justement aujourd'hui on n'est pas suffisamment équipés ?
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:04:34] Oui, en fait, déjà pour commencer, je pense que, et c'est pour ça que je suis ravie de parler de ce sujet aujourd'hui, c'est qu'il faudrait déjà que nous, en tant que RH, on soit tous collectivement convaincus du fait qu'il est nécessaire de faire ça. On y reviendra aussi peut être plus tard, mais moi je vois à mon échelle : j'évolue dans l'environnement de la tech depuis plusieurs années maintenant, ne serait-ce que ce travail qui consiste à cartographier les compétences, organiser nos métiers avec des métiers type, définir les compétences qui sont associées juste pour avoir une photo de l'instant présent, c'est déjà un enjeu et c'est déjà important d'avoir fait ce travail avant même de se dire on va imaginer le futur. Donc je crois que c'est quand même pas évident. Donc développer cette prise de conscience de nos de nos pairs RH pour qu'ils le fassent, ça me semble absolument essentiel. Ensuite, en effet, il s'agit d'anticiper sur la suite. Alors on a parlé tout à l'heure rapidement de la GPEC, ça n'existe plus maintenant on parle de la GEPP. Et c'est super la GEPP parce que finalement elle a été faite dans un enjeu qui visait à prendre en considération justement nos mutations, nos changement d'environnement, le fait qu'on allait avoir des gestions de carrière plus agiles. J'ai plus le chiffre en tête mais je crois que les générations qui arrivent vont faire je ne sais plus combien de changement de métier. Je sais pas si toi c'est un chiffre que tu as en tête, mais c'est un chiffre qui m'avait frappée, je pense qu'on parle au moins d'une dizaine de métiers différents. Donc ça montre à quel point il va falloir être un peu agile. On a déjà parlé de l'obsolescence des compétences et donc du coup faire ce travail-là sur la GEPP, qui est un cadre qui nous donne déjà de la matière pour travailler, ça me semble très important. La deuxième chose, c'est qu'on parle de plus en plus de la data pour les équipes RH, on ne peut pas faire de gestion de compétences si on commence pas par avoir de la data fiable sur la nature des compétences qui sont maîtrisées aujourd'hui et qu'on puisse les maintenir et les quantifier. Donc ce sujet de l'analyse de la data et hyper important. Et enfin, alors tu es présidente du Lab RH donc ce sujet va te parler : on a la chance, je trouve, d'évoluer dans un écosystème où la sphère tech RH est prolixe en outils qui vont nous doter de ce dont on a besoin pour justement cartographier, mapper et pourquoi pas commencer à faire du prédictif. Alors je vais notamment peut-être citer quelques uns, mais j'ai notamment 365 Talent qui me vient en tête et dont je sais que beaucoup de mes pairs RH l'utilisent pour rentrer dans cette vision un peu plus dynamique des compétences et de comment on va pouvoir les développer. En fait, ça permet assez basiquement, tu connais ce sujet très bien, mais du coup de mapper, on va dire les compétences qu'un collaborateur peut maîtriser, celles qui sont nécessaires sur un poste donné et comment on va pouvoir accompagner le collaborateur qui est identifié pour aller compléter ces compétences-là. Si maintenant on veut faire un peu de prospective, on va rentrer dans une dimension un peu plus complexe. Il va falloir travailler avec les gens du business, et c'est là où je trouve que les RH ont une opportunité absolument incroyable d'amener de la valeur dans cette discussion avec les opérationnels, avec les patrons du business, pour anticiper sur qu'est-ce qui va venir impacter les métiers de mon entreprise, les métiers de mon activité, quelles vont être les compétences qui vont être amenées à évoluer, à changer, voire peut-être pourquoi pas à disparaître. D'autres vont se créer, vont être nécessaires. Et comment du coup, nous, en tant qu'équipe RH, on va anticiper sur comment je vais aider mes collaborateurs à compléter leurs compétences, à les accompagner peut-être vers des changements de métiers. C'est le sujet du reskilling qui est un sujet chez OpenClassrooms qui évidemment nous tient à cœur, parce que leur métier est amené à évoluer, voire à changer totalement ou à minima en grande partie.
Mathilde Le Coz [00:08:28] Merci beaucoup Stéphanie pour cette présentation et l'enjeu effectivement très important autour des compétences qui changent, qui évoluent en tout cas à une vitesse qui est devenue folle. On parlait aussi de tes peurs et quand tu projettes, quand tu regardes peut-être des orientations ou des tendances, est-ce que au-delà de ça il y a des choses aujourd'hui qui te font peur, c'est à dire dans des tendances émergentes ou des évolutions qui t'inquiètent un petit peu ?
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:08:57] Alors évidemment, je ne peux pas m'empêcher de citer ce qui se passe en ce moment avec l'IA générative. Je vais un peu enfoncer une porte ouverte, je pense que tout le monde le vit, mais c'est quand même important parce que je crois que personne n'avait anticipé la rapidité avec laquelle c'est en train de se passer. Et ça pose plein de sujets parce que il y a un fossé, moi je constate qu'il y a un fossé, malgré le fait que je travaille dans un environnement qui est assez pourtant propice à ça, qui est en train de se créer entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Ceux qui savent l'utiliser et ceux qui ne savent pas l'utiliser, ceux qui savent en tirer parti et ceux qui ne savent pas en tirer parti. Et ça, honnêtement, je trouve que nous, en tant que équipes RH, on a une énorme responsabilité que d'accompagner ces mutations là, qui peuvent être rapidement disruptives parce qu'elles vont venir finalement créer une entreprise à deux vitesses. Et si on n'accompagne pas ce phénomène, alors je passe évidemment de côté tout ce qui est un peu autre qui est éviter le shadow IA, c'est à dire que l'usage n'est pas contrôlé. Tout ça, évidemment, est pas complètement directement dans notre responsabilité, mais il faut savoir que ça existe. Mais donc par contre, nous attacher nous à accompagner ces mouvements-là pour que tout le monde soit à la même vitesse d'acculturation, voire de formation. Alors nous, on a mis en ligne sur OpenClassrooms une formation qui est gratuite, qui est ouverte à toutes et tous, et on a demandé à tous nos collaborateurs de la faire. Il y en a deux, une qui est très large sur l'intelligence artificielle, en particulier générative et il y en a une autre qui est plus outillante sur comment apprendre à promter tout simplement dans son usage je dirais le plus basique. Et bien force est de constater que tout le monde n'a pas la même facilité d'accès à ça. Et du coup, on a décidé d'aller un cran plus loin et on a commencé à mettre en place des ateliers par équipe pour les accompagner sur concrètement, qu'est-ce que ça veut dire dans mon métier ? Qu'est-ce que je vais pouvoir en faire ? Quels bénéfices ça m'apporte ? Où est-ce que je gagne du temps ? Où est-ce qu'à l'inverse j'en perds ou quelles difficultés je rencontre et comment mettre ça en place ? Donc je dirais que ça c'est la première qui me vient parce que je trouve que c'est celle qui est aujourd'hui la plus prégnante et qui nous met le plus en difficulté. Alors bien sûr, il y a beaucoup d'autres choses en ce moment qui se passent dans notre environnement. Je pense notamment au sujet la transformation des modes de travail et tout ce qui va tourner autour des sujets de remote et de télétravail et de flexibilité qui sont des questions d'actualité et qui agitent beaucoup la sphère RH en ce moment. Je voudrais mentionner les enjeux autour de la santé mentale, qui vont d'ailleurs un peu de pair avec les deux premiers que j'ai cités. Parce que quand il y a de la mutation et des transformations et qu'on n'accompagne pas bien nos collaborateurs, ça peut créer de l'anxiété. Quand en plus ça se fait a fortiori dans un environnement très flexible, avec beaucoup de remote, où il y a peut être moins d'occasions d'échanges, c'est important de l'identifier. Et puis il y a un corollaire à tout ça qui moi me tient à cœur, qui est l'enjeu autour des soft skills et de comment on peut... Je trouve que c'est un sujet qui est finalement assez peu développé encore en entreprise de façon générale, qui est comment on va pouvoir accompagner les collaborateurs à vivre ces transformations. Comment on va les doter de ce dont ils ont besoin pour s'adapter à ces transformations qui vont tellement vite.
Mathilde Le Coz [00:12:23] Alors comment ? C'est vrai que tu te dis bah comment ? Alors on ne sait pas, on n'est pas devin, c'est vrai qu'il faut croire en certains changements. Toi justement, comment tu adresses ces changements ? Comment tu te prépares à ces évolutions pour essayer de pouvoir aiguiller dans ces transformations ? Est-ce que tu as des méthodes, des outils ? La littérature ? Comment tu t'y prends ?
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:12:47] Alors sur l'intelligence artificielle, la première des choses à faire, c'est commencer par la base, c'est à dire informer. Déjà ne pas faire comme si ça n'existait pas. J'entends parfois des pairs qui sont RH, qui sont un peu confrontés à cette problématique où ça a été interdit. Bon, ça, je pense que c'est compliqué parce que c'est aller à contre courant d'un mouvement qui nous dépasse. Je pense qu'au contraire il faut surfer dessus, mais il faut l'encadrer, l'accompagner. Donc déjà ça passe par ça, ça passe par informer, former. On invite nos collaborateurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, à se former, j'invite mes équipes RH à aller à des conférences, à assister à des webinar, à comprendre juste déjà comprendre ce qui se passe, quel est l'environnement dans lequel on évolue, ça me semble extrêmement important. La deuxième ensuite, c'est de pouvoir commencer à s'outiller. Tout à l'heure, j'ai mentionné les ateliers qu'on a commencé à faire, ça c'est un exemple très concret. Si on a la chance d'avoir des équipes IT qui sont un peu formées en la matière et qui peuvent accompagner ça, et bien concrètement, je vais aller créer des ateliers où on va identifier quels sont les points les plus bloquants. J'ai un pair RH qui me disait : nous on a commencé par identifier quels sont les pain points, les éléments de crispation les plus compliqués dans mon métier aujourd'hui et est-ce que l'intelligence artificielle, notamment au travers d'outils comme ChatGPT, peut nous aider à régler ces problèmes là ? Et du coup, comment on va en faire un usage concret et on va doter des équipes de ça pour qu'elles puissent commencer à l'utiliser, à se familiariser et ensuite c'est continuer ce chemin là : former, informer, faire pratiquer, outiller. Donc ça, c'est sur l'aspect on va dire mutation, intelligence artificielle. Sur les soft skills, je pense que c'est très important de définir à l'échelle de l'entreprise. C'est un travail que j'avais pour le coup conduit chez Blablacar et que je n'ai pas encore fait chez OpenClassrooms que j'ai rejoint il y a un an, c'est identifier quels sont les soft skills qui semblent être les plus importants pour travailler efficacement dans l'environnement, la culture, les modes opératoires de l'entreprise. Et du coup, accompagner les collaborateurs en les formant tout simplement à ça, en en faisant un sujet qui est discuté entre les managers et les collaborateurs, par exemple lors des revues, qu'elles soient semestrielles ou annuelles, l'utiliser comme étant un support de feedback aussi au sein de l'entreprise, donc de faire en sorte que ce sujet devienne finalement parmi le langage commun de l'entreprise et qui permet de petit à petit, là aussi, acculturer et former et faire en sorte que les collaborateurs soient à l'aise avec cette compétence là, quelle qu'elle soit.
Mathilde Le Coz [00:15:29] Je me permets, je reviens aussi sur le début où tu disais ta peur c'est l'anticipation du futur. C'est que quand tu adresses ces sujets-là, qui sont comme tu le disais des sujets pas encore pleinement matures, pas partout en tous les cas, sur lesquels on n'a pas toujours encore des cas d'usage, des process et des démonstrations concrètes. Comment toi-même tu aiguilles, tu navigues dans ce monde incertain, parce que tu dois anticiper ou en tout cas y voir une voie, engager à tes côtés et amener un collectif sur des choses qui ne sont pas matures, comment toi même, en amont, quelque part, tu te rassures ou pas ? Comment tu sais vers où aller et comment savoir si c'est de la bonne manière ou pas ? Quand on trace des nouveaux chemins.
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:16:20] Oui, c'est une question très importante parce que la raison pour laquelle ça m'inquiète, c'est que je dirais que la principale la raison pour laquelle ça m'inquiète, c'est la rapidité avec laquelle ça évolue. Et donc du coup, je trouve que ça implique que nous, en tant qu'équipes RH, on essaye de coller le plus possible à cette rapidité. Or on a tous autant qu'on est un quotidien à gérer, du run et tout un tas évidemment de responsabilités par ailleurs, donc ce sujet là vient en plus du reste. Donc je dirais que c'est ça qui est un peu compliqué, c'est comment mettre ce sujet à sa bonne place pour lui donner la bonne priorité avec la bonne rapidité. Comment ? Alors je dirais que moi, la première des choses que j'ai faite, c'est déjà à mon niveau à moi de comprendre ce qui se passait. Donc je m'appuie beaucoup sur mes pairs. Je trouve qu'on a la chance dans notre environnement d'avoir des réseaux divers et variés qui peuvent énormément nous aider. Il y a plusieurs personnes qui se sont emparées de ces sujets et qui communiquent beaucoup, qui produisent beaucoup à la fois de contenus, de conférences, de webinar. Donc je crois que ça commence vraiment par ça, déjà, en étant assez humble sur le fait que on va apprendre petit à petit, on va probablement faire des erreurs. Et ensuite c'est en interne relayer l'importance de ce sujet. Il y a beaucoup d'études qui circulent, je pense qu'il y a de la matière pour faire des cases assez concrets avec de la data sur qu'est-ce qui se passe quand on met en place des programmes d'acculturation, de formation et ensuite de mise en pratique de l'intelligence artificielle dans les différents métiers de notre entreprise sur lesquels on peut venir s'appuyer pour étayer l'importance d'investir du temps, voire peut-être de l'argent dans ces sujets-là. Et ensuite, je crois beaucoup à la vertu et c'est-ce que nous, pour le coup, on est en train de faire : du test and learn. C'est à dire en gros, c'est : j'identifie une problématique donnée, je vais pas d'emblée investir et généraliser ce que j'ai construit à tout le métier, d'un coup d'un seul, ou à tous les clients, ou à toute l'entreprise, et je vais tester sur si je prends le sujet par exemple de l'IA au recrutement, je vais tester sur un recrutement. OK, qu'est-ce que ça donne d'avoir utilisé l'intelligence artificielle pour écrire une job description ? Pour m'aider sur la définition du process ? Pour m'aider sur la banque des questions à poser en fonction des compétences que je recherche ? Pour m'aider à analyser le business case ? On a aussi testé ça et on a même comparé les candidats et on a comparé ce que l'intelligence artificielle nous avait produit comme analyse comparative des business case. Et donc en fait, ça permet d'itérer, d'apprendre, de corriger ce qui touche beaucoup au sujet de la complémentarité évidemment à laquelle moi je crois beaucoup à titre personnel, entre l'intelligence artificielle et l'humain. Et donc là, on a pu à la fois quantifier la rapidité, les gains de temps qu'on avait eu versus ne pas l'utiliser, et on a aussi pu qualifier un peu mieux ce que ça avait pu nous apporter. Et donc c'est là où c'est intéressant parce que du coup, on va pouvoir utiliser ça pour petit à petit l'étendre à d'autres recrutements, pourquoi pas, et puis même aller encore un cran plus loin dans nos pratiques en interne. On est en train de travailler sur un tchatbot, il y a beaucoup d'entreprises qui ont commencé à faire ça pour répondre aux questions administratives de people operations assez classiques et basiques, et on va là aussi tester, voir ce qui marche, ce qui ne marche pas, qu'est-ce que les collaborateurs apprécient et quel gain de temps ça a pour nous. Donc rentrer dans cette démarche de je teste, j'essaye, j'en tire un bilan quantique à ligne et je vois si je peux extrapoler ou étendre, c'est une bonne façon de commencer à faire quelque chose en essayant de coller à l'actualité et à toutes les nouvelles technologies qui apparaissent chaque jour.
Mathilde Le Coz [00:20:18] On fait de la recherche en fait !
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:20:19] Oui, c'est exactement ça. On fait de la recherche appliquée. C'est exactement ça. Et c'est passionnant d'ailleurs.
Mathilde Le Coz [00:20:25] Et alors ? Est-ce qu'il t'es déjà arrivé de te tromper dans l'anticipation ? Et dans ce cas là, quelles leçons en as-tu tiré ? Comment tu l'as vécu aussi ?
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:20:39] Typiquement ce que je viens de raconter dans l'entreprise qui est la mienne en fait, dans le cœur de notre métier qui est la formation,nos équipes elles ont déjà commencé à utiliser l'intelligence artificielle depuis un certain temps. Et en fait, j'ai rejoint OpenClassrooms il y un an mais je me rends compte que cette année je l'ai passée à surtout poser les bases d'une bonne pratique RH et finalement, je ne l'ai pas trop vu passer ni arriver sur ce train de l'IA générative. Et on est en train de le faire. Et je sais que je ne suis pas la seule dans mon cas, loin de là. Mais c'est vrai que je trouve que c'est quelque chose qu'on subit aujourd'hui plus qu'on ne l'utilise dans tout son bénéfice et sa valeur. Et du coup, pour moi, l'enseignement important c'est ne pas hésiter dès qu'on identifie un phénomène de cet ordre là à vraiment travailler une fois encore avec ses pairs parce qu'il y en avait beaucoup qui en parlaient depuis déjà un certain temps, pour pouvoir se faire aider, pour pouvoir mieux anticiper ce sujet-là. Parce qu'aujourd'hui on est dans une situation où on est en train d'essayer de rattraper le temps. On est en train d'essayer d'avancer un peu à marche forcée et à rattraper finalement ce retard qu'on a accumulé, et on aurait pu s'épargner ça. On aurait pu le faire de façon un peu plus smooth et pas à pas, alors que là on voit bien qu'il faut quand même qu'on aille vite et qu'on évite ce qui risquerait sinon de se passer. Et c'est sans doute ce qui est le plus problématique, c'est d'impacter des métiers dont les tâches seraient amenées à évoluer ou à disparaître, sans avoir préalablement accompagné nos collaborateurs. Et là, c'est ce qui est en train de se passer en fait, on voit bien que ça les impacte et qu'on n'a pas forcément bien anticipé ce phénomène, bien accompagné ce phénomène, alors que c'est critique, surtout dans notre métier. Notre métier c'est quand même de faire ça, de faire de l'upskilling, de faire du reskilling des compétences dans un environnement qui est amené à muter et à se transformer. Et donc pour moi, une des leçons, c'est essentiellement celle là en fait, c'est ne pas rester connecté à ce qui se passe dans notre écosystème et vraiment ne pas hésiter à s'emparer des sujets et à les traiter même quand ils semblent encore balbutiants.
Mathilde Le Coz [00:22:58] C'est vrai que je pense avant, on avait le temps de voir arriver les signaux faibles qui s'installaient, et puis aujourd'hui en fait du jour au lendemain, on peut avoir des choses comme l'IA générative qui est arrivée quand même assez rapidement. Je pense que quelques mois avant, on s'attendait pas à ce que ça arrive aussi rapidement.
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:23:15] Et tu vois cette histoire de shadow IA que j'ai mentionnée tout à l'heure, c'est hyper important parce que avant que nos équipes IT aient pris la mesure de ça (et pourtant ils sont extrêmement bons et ils ont ils ont vraiment anticipé ce sujet), mais c'est vrai que le temps que ça s'installe, il a fallu encadrer tout ça. Il a fallu mettre en place des normes de qu'est-ce qui est autorisé et qu'est-ce qui n'est pas autorisé, comment on vous forme, comment on vous accompagne les do, les dont's... Et j'entends beaucoup de pairs RH qui se font un peu dépasser par ça, qui n'ont pas forcément des équipes IT ou sécurité qui sont complètement formées à ça, et du coup on a des risques évidemment de fuites de données qui sont importants et c'est vrai que là, on a une responsabilité importante sur le sujet. Ça, c'est déjà un premier point. Et le deuxième, c'est accompagner aussi les équipes à utiliser les conclusions. Je parlais par exemple tout à l'heure de comment nous on l'utilise en recrutement, il faut faire très attention à avoir gardé un œil critique, ça ça fera partie des compétences sur lesquelles il faudra former les collaborateurs dans leur usage de ces outils-là. C'est garder un regard critique sur les conclusions qui nous sont proposées, parce que évidemment, elles sont pas toujours bonnes et à minima, il faut les utiliser avec modération.
Mathilde Le Coz [00:24:40] Merci beaucoup Stéphanie. Avant de finir ce podcast, j'ai une dernière question pour toi, quel serait ton conseil à un ou une DRH qui craint de mal anticiper les compétences de demain et les impacts de l'IA ?
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:24:54] Oui, ça va rejoindre d'ailleurs une compétence parmi les soft skills qui me semble être générique à toutes les populations : c'est apprendre à apprendre. Ça fait partie pour moi du meilleur conseil que j'ai toujours envie de donner à qui que ce soit. J'ai cette chance, moi, d'être dans cette culture permanente de l'apprentissage et je sais que c'est pas toujours facile pour tout le monde de se mettre en mouvement par rapport à ça. Parfois même, nos collaborateurs sont un peu attentistes et s'attendent à ce qu'on leur dise comment s'équiper et comment se former. Et je crois que tout le monde, et en particulier nous, dans nos rôles, on se doit d'être acteur de ça. Pour se former, s'informer, il y a des ressources illimitées qui existent je trouve aujourd'hui, que ce soit dans l'écosystème RH ou même en dehors, sur ces sujets-là de la technologie et de l'intelligence artificielle. On a mentionné Le Lab RH, il y a plein d'autres écosystèmes qui existent pour pouvoir assister, comme je l'ai dit, à des webinars, des conférences, des MOOC... Et donc je pense que c'est la meilleure chose à faire, c'est rester connecté à ses pairs et à ce qui se passe pour avoir des conseils, des bonnes pratiques sur comment aborder ces sujets-là.
Mathilde Le Coz [00:26:13] Super! On finira sur cette belle touche aussi d'espoir. Merci beaucoup Stéphanie.
Stéphanie Fraise - OpenClassrooms [00:26:17] Merci.
Intro/Outro [00:26:23] Merci d'avoir écouté, Bande de Flippés, un podcast produit et imaginé par l'Etincelle RH en partenariat avec Le Lab RH. Si vous avez des remarques, des suggestions ou si vous voulez partager vos peurs, vous pouvez envoyer un message sur LinkedIn à Étienne Ageneau. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh!








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