J’ai peur de ne pas être crédible

Bande de Flippés, c’est notre podcast en partenariat avec myRHline.

Dans cet épisode : Jonathan Goldfarb nous confie sa peur de ne pas être crédible.

Vous pouvez l’écouter, ou simplement lire la transcription ci-dessous.

Bouh !


Jonathan [00:00:02] J’ai peur de ne pas être crédible.

Intro [00:00:07] Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des DRH et des recruteurs. Que l’on ait 2 ou 20 ans d’expérience dans la fonction, les doutes subsistent, inhérents à la complexité de la nature humaine. A qui puis-je en parler ? Dois-je partager à ce sujet ? Où trouver les solutions ? Nous partons à la rencontre de DRH, RH, recruteurs et recruteuse qui se confient à notre micro et ont décidé d’affronter la peur de parler de ses peurs.

Christophe [00:00:36] Nous sommes aujourd’hui avec Jonathan. Après le cours Florent, il obtient un master en psychologie suivi d’un master en RH. Il démarre sa carrière RH chez Monoprix, Franprix où il exercera ses compétences en matière de développement RH, formation, recrutement, transformation digitale et récemment passé de directeur du développement RH au sein du groupe Synergie. Mais malgré ce parcours inspirant, Jonathan est flippé. Bonjour Jonathan.

Jonathan [00:00:59] Bonjour.

Christophe [00:01:00] Alors c’est quoi la crédibilité pour toi ?

Jonathan [00:01:03] La crédibilité c’est, je pense déjà une force qu’on a ou qu’on n’a pas et qui vient interroger les fondements narcissiques les plus primaires qui sont ceux qui ont trait à la confiance en soi, qui ont trait à la légitimité, qui ont trait aussi à la réflexion, à la pertinence. Et cette peur là, en fait, elle s’interroge et elle est présente grosso modo tous les jours et surtout à chaque fois qu’on prend des fonctions ou des dynamiques qu’on n’a pas l’habitude de prendre, ou alors dont on ne maîtrise pas l’ensemble des paramètres.

Christophe [00:01:41] Est ce que c’est une peur personnelle ou est ce que c’est une peur professionnelle ou une peur permanente?

Jonathan [00:01:48] Avant tout, c’est une peur personnelle. C’est une peur qui est présente dans la vie plutôt que la vie personnelle, forcément, et qui, derrière, se décline dans la vie professionnelle. Donc forcément, quand on a des nouvelles fonctionnalités, quand on a des nouveaux sujets, des nouveaux projets à prendre en compte, c’est une peur qui, comme elle vient naturellement de potentiellement de l’enfance ou des expériences passées personnelles, vient aussi jaillir sur le professionnel.

Christophe [00:02:16] Alors Jonathan, t’as un communicant avéré, tu participes à des conférences, à des salons, à des débats, à ce podcast. Est ce que tu fais ça justement pour combattre cette peur?

Jonathan [00:02:28] Je pense que c’est un peu, au fond, le fait d’avoir entre guillemets cette reconnaissance sur certains sujets. Une expertise ça permet de dire, de se renforcer positivement et de se donner des arguments positifs pour se dire “Si en fait c’est crédible ce que tu peux faire” et donc quelque part continue. Donc oui, effectivement, ça vient forcément un peu de là. Et puis après, c’est aussi parce que quand on est passionné par un domaine, quelque part, cette peur peut s’envoler. Et comme je suis beaucoup passionné par le domaine RH, et toute la transfo qu’on a pu entendre auparavant, ça permet aussi d’oublier cet élément qui est un peu anxieux.

Christophe [00:03:12] En fait, quand tu atteints l’expertise, t’as plus peur

Jonathan [00:03:16] Disons qu’elle se diminue puisque ce qui crée la peur en fait quelque part aussi, c’est l’incertitude. Le fait de ne pas contrôler les choses, le fait de ne pas tout connaître. Et donc quand on a une certaine expertise sur un sujet, il est possible que cette peur soit du moins atténuée ou alors que ne soit plus accessible à un premier niveau.

Christophe [00:03:34] Alors du coup, la crédibilité, ça laisse supposer que t’es quand même relativement fortement impacté par le regard des autres.

Jonathan [00:03:43] Alors c’est assez paradoxal parce que pour le coup, non. C’est quelque chose d’ailleurs qui m’a parfois porté préjudice. Je ne me soucie pas énormément du regard des autres. La crédibilité, je pense qu’elle est d’abord interne, c’est à dire c’est se sentir crédible. Alors c’est sûr que le miroir des autres fait qu’on va se voir ou non crédible. Mais c’est d’abord un ressenti interne assez fort, qui est personnel et qui est qui est profond. Et du coup, paradoxalement, je ne fais pas trop attention au regard des autres. Que ce soit dans tout à l’heure, tu parlais de la communication, mais que ce soit dans la communication, dans la façon dont je vais aborder les choses ou dont je vais exprimer mes idées. Je ne m’attarde pas forcément à l’impact que ça peut avoir ou en tout cas, je ne m’attardais pas sur cet impact là.

Christophe [00:04:29] Alors, t’es plus vraiment un junior aujourd’hui, est ce que tu penses que tu avais plus peur en début de carrière qu’aujourd’hui ? Est ce que ça s’est atténué ?

Jonathan [00:04:38] On est toujours junior, mais oui, je pense que ça s’est un peu atténué parce que j’ai la chance d’avoir accumulé beaucoup de compétences dans différents domaines, aussi transverses qu’ils soient. Et ça fait qu’effectivement, maintenant quand je parle de quelque chose, mon petit moi intérieur, mon “jiminy cricket”, je peux lui dire “non mais ça tu sais donc tu peux en parler, t’es légitime pour le faire”. Donc oui, ça s’atténue avec l’expérience et j’ai moins peur aujourd’hui que je ne l’avais au tout début. Mais pour autant, il y a peut-être aussi quand on est plus jeune un côté un peu insouciant, un côté un peu rebelle aussi, qui fait qu’on est un peu tête brûlée, on avance sans s’occuper de ce qu’on ressent intérieurement.

Christophe [00:05:22] Aujourd’hui tu changes de job, t’as peur?

Jonathan [00:05:25] Oui, oui, bien sûr que j’ai peur. Je sais que c’est pas facile. Ça fait onze ans que j’étais au sein du groupe Casino et j’ai grandi avec le groupe Casino. Aujourd’hui, j’ai une nouvelle posture à avoir, certes qui se base sur ce que j’ai déjà vécu mais pour autant, bien sûr, il faut faire ses preuves, c’est aussi la feuille blanche, faut tout recommencer. Il faut mettre en place des choses qui vont avoir un impact significatif, tant au niveau business qu’au niveau stratégique. C’est structurant. J’ai pas envie de me planter. Donc oui, fondamentalement, j’ai une peur.

Christophe [00:06:00] Mais finalement, c’est sain d’avoir une peur.

Jonathan [00:06:03] Oui, je pense. Alors on dit toujours que la peur n’évite pas le danger, mais en tout cas la peur elle permet quand même d’éviter de s’y confronter. Si par exemple, je ne ressentais rien et que je mettais ma main dans le feu, au bout d’un moment j’aurais la main brûlée. Aujourd’hui, le fait de pouvoir ressentir que le feu ça peut brûler, je vais peut être éviter de mettre ma main. Donc ça évite pas d’agir, mais pour autant, ça permet d’agir avec une certaine raison, une certaine mesure, une certaine capacité d’introspection aussi.

Christophe [00:06:28] Donc tu vois plutôt ça comme un moteur?

Jonathan [00:06:31] Aujourd’hui, c’est devenu un moteur la peur, tout à fait.

Christophe [00:06:35] Tu peux nous donner un exemple d’une situation où finalement tu ne t’es pas senti crédible ?

Jonathan [00:06:41] Oui je peux en donner une, elle est assez récente. Il y a à peu près deux ans, j’ai eu la chance de me voir confier un projet SIRH global et entre guillemets “sur tous les fronts”, sur tous les modules. Je n’avais jamais dirigé de projet d’une ampleur aussi importante, avec un impact fort structurellement puisque ça embarquait aussi la paye. Donc oui, j’ai eu un problème de crédibilité à mon sens, pas forcément au niveau de l’entreprise, mais en tout cas j’ai eu un problème de crédibilité personnelle. C’est des choses que je maîtrisais pas du tout. C’est des choses sur lesquelles je ne savais pas forcément où aller. Il se trouve que je suis quand même assez curieux et que je me dépatouille, mais j’aurais évité beaucoup d’erreurs, je pense, disons beaucoup de temps gagné, si je n’avais pas tant réfléchi à cette histoire de crédibilité.

Christophe [00:07:41] Et comment tu t’en es sorti ?

Jonathan [00:07:45] Je m’en suis sorti à un moment en me disant “Bon en fait tu es là donc c’est légitime que tu y sois, agit comme t’as l’habitude d’agir, c’est à dire fais à l’instinct, aies confiance dans ce que tu ressens et dans ce que tu fais et prend les choses en main”. Et à un moment, j’ai arrêté de me dire comment faut bien faire les choses et je les fais plus en masse en m’appuyant sur des compétences transverses que j’avais pu développer auparavant et en retrouvant un peu une espèce de sérénité personnelle.

Christophe [00:08:15] Est ce que tu t’es appuyé sur d’autres personnes ?

Jonathan [00:08:18] Évidemment. Aujourd’hui, c’est vrai que dans la dynamique de contrôle, quand tu ne sais pas faire, c’est important de s’entourer des gens qui savent et qui maîtrisent. Et évidemment, autour de moi, dans le cadre de cette équipe, une fois que j’avais ouvert les yeux sur les compétences qu’il y avait autour de moi et que je n’étais pas le seul à tout porter sur les épaules. Parce que quand tu as peur d’être crédible il y a cette responsabilité, t’as l’impression d’être un peu dans un focus lumineux où tu ne vois que ce qu’il y a en face de toi. J’ai pu voir à 360 qu’il y avait énormément de compétences autour de moi sur lesquelles je pouvais m’appuyer et ça s’est beaucoup mieux passé.

Christophe [00:08:55] Et avec les partenaires avec lesquels tu as travaillé sur ces sujets SIRH qui eux étaient des experts, tu t’es senti à l’aise ?

Jonathan [00:09:03] Alors oui. C’est un peu paradoxal, c’est-à-dire que la légitimité ou la crédibilité elle arrive peu quand tu connais pas du tout les personnes. Il se trouve que ce soit les implémenteurs ou que ce soit les éditeurs, il y avait cette posture déjà de client, il y avait cette posture de directeur de projet qui aidait, donc je me sentais pas avoir le besoin d’être forcément crédible vis à vis d’eux puisque je les connaissais pas. Donc je n’avais pas à avoir d’impact entre guillemets sur eux et pour le coup, ça m’a donné une certaine liberté, une latitude et surtout le fait de pouvoir me confier directement à eux en leur disant “mais moi j’ai jamais fait ça, comment on peut faire ? Quels sont les bons streams à suivre ? Quelle est la bonne méthodologie ?”. Du coup, ça m’a permis d’avoir une espèce de focalisation extérieure donnée par des tierces personnes qui avaient un impact, une implication somme toute relativement raisonnable dans ma vie professionnelle.

Christophe [00:10:05] Alors en tant que RH, tu penses qu’en entreprise il faut être le plus crédible face à qui ? Je vais te donner trois choix : la direction générale, les managers ou les salariés ?

Jonathan [00:10:20] C’est pas facile. Alors, en tout cas moi personnellement, je préfère être crédible auprès des équipes, enfin de mes équipes. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, la direction générale ou mon responsable, mes chefs, je pense que ça peut toujours s’améliorer. Mais quand on perd la crédibilité auprès de son équipe, c’est difficile à gagner déjà, c’est difficile à avoir et c’est difficile à conserver. Et donc, quand on la perd, c’est plus d’impact puisque entre guillemets, la direction générale et les responsables, ils ont une vision assez macro de ce qu’on fait. Or, on n’arrive jamais à faire ce qu’on fait quand on n’a pas des équipes qui sont prêtes à nous suivre n’importe où. Et cette crédibilité est hyper importante pour être suivi n’importe où.

Christophe [00:11:06] Alors, dans le secteur d’activité d’où tu viens, je pense à Monoprix, Franprix, la fonction RH est souvent considérée comme une fonction extrêmement de siège puisqu’en face de toi tu as une population de personnes qui travaillent en magasin, qui sont des magasiniers, qui sont des caissières, etc. Est-ce que la fonction RH est crédible vis à vis de ces populations et comment elle fait pour y arriver ?

Jonathan [00:11:37] Je pense que la fonction RH, elle est crédible parce qu’elle est incarnée ou elle ne l’est pas. Aujourd’hui, c’est vrai que sur les métiers du retail ou tous les métiers qui sont décentralisés avec vraiment des succursales et derrière des fonctions centrales, il est très important de se nourrir complètement du terrain. Moi c’est quelque chose… D’abord, je viens du terrain puisqu’avant d’être RH j’ai travaillé effectivement en restauration comme serveur et j’ai fait ça pendant très longtemps et également chez McDo. Donc il y a cette cette culture du terrain que j’ai et qui est importante je pense pour être crédible auprès des équipes qui travaillent soit dans les magasins, soit dans les restaurants, soit dans les agences d’intérim. C’est quelque chose qui est nécessaire. Après, je pense que dans la dynamique actuelle des choses, si on n’écoute pas, si on ressent pas le pouls du terrain, c’est difficile d’arriver à être crédible par rapport à ça. Il y a un autre point, c’est effectivement le business. C’est à dire que le RH est toujours vu, un peu moins maintenant, mais comme à côté du business. Aujourd’hui, on parle beaucoup de business partner, moi je ne suis pas trop fan de ce terme. Je pense qu’on est une partie constitutive du business. On est des business développeurs. Aujourd’hui quand il y a un problème de turn over, quand il y a un problème d’engagement, quand il y a un problème de ne serait-ce que d’absentéisme, ça a un impact direct sur le business. Et la fonction RH est au cœur de ce business là. Donc en fait, on est aussi des gens qui peuvons produire du business. Et d’ailleurs il y a aussi beaucoup de choses qui se voient maintenant ou carrément on vend des services RH développés en interne à d’autres entreprises dans une logique d’exemplarité ou ce genre de choses. Donc voilà, moi pour moi, c’est tous ces paramètres là qui font que la fonction RH peut être considérée ou pas.

Christophe [00:13:32] Donc équiper un bus pour aller former des gens sur site, tu penses que c’est une bonne idée pour être crédible ?

Jonathan [00:13:39] Oui je pense. Alors cette histoire de bus, effectivement, elle répond à un premier problème, c’est que les gens ne sont pas formés.

Christophe [00:13:47] Tu peux peut-être nous réexpliquer ce concept ?

Jonathan [00:13:49] Oui, bien sûr. Donc c’est un concept qu’on avait imaginé chez Franprix, qui s’appelle l’Acadibus. L’Acadibus, c’était quoi ? C’était une brigade mobile qui venait remplacer l’ensemble du personnel du magasin, pendant que les collaborateurs du magasin se formaient dans le bus qui était garé devant. La logique de ce bus là, c’était simplement que les collaborateurs n’avaient pas accès à la formation parce qu’ils étaient justement déportés et parce que quand on est en magasin, on n’est vraiment pas en capacité de libérer un collaborateur puisque le staff est assez court, et donc on se coupe un peu un bras quand on laisse quelqu’un partir. Donc tous ces collaborateurs n’avaient pas accès à la formation. C’est donc en écoutant finalement le terrain, en essayant de savoir comment pouvoir résoudre ces problèmes là, qu’on a pu voir qu’il y avait un problème de présentéisme, qu’on a pu voir qu’il y a un problème d’accès et qu’on a imaginé cette solution. Si on n’avait pas écouté le terrain et qu’on était resté de notre côté dans notre “tour d’ivoire”, on n’aurait jamais su qu’il y avait un problème d’accès à la formation, à part regarder quelques chiffres. Donc voilà, l’idée encore une fois, c’est de se mettre à la place de et surtout du plus grand nombre et surtout du cœur du business.

Christophe [00:14:59] Donc, pour être crédible dans la fonction RH, il faut aller au contact.

Jonathan [00:15:04] Alors non seulement il faut aller au contact, mais il faut aussi pas avoir peur de se prendre des coups. C’est à dire qu’aujourd’hui la crédibilité elle s’aiguise. Je vais faire une comparaison, mais c’est comme un tibia dans un tibia contre le tibia. À force de prendre des coups, on finit par l’aiguiser cette crédibilité. Et je pense que si on a une crédibilité qui est un peu entre guillemets “vierge”, au premier coup, elle va s’ébranler. Donc il faut aller confronter cette crédibilité à la vie du terrain, à la vie du quotidien, à la vie de l’entreprise dans laquelle on est et ne pas avoir peur de la remettre en question puisque c’est comme ça qu’elle se renforce et c’est comme ça qu’elle se potentialise et elle se développe.

Christophe [00:15:42] Alors, est-ce que tu as un exemple où tu t’es senti pas suffisamment crédible devant un salarié ?

Jonathan [00:15:48] Oui, ça a pu. Effectivement, c’est déjà arrivé. C’est encore une logique de maîtrise et de compétence. J’avais en face de moi un salarié qui venait pour un entretien de mobilité, qui avait des problèmes d’ordre managériaux mais que je n’avais pas forcément connus et dont surtout, je ne sentais pas que c’était mon périmètre d’action. Parce qu’aujourd’hui, bien que ce soit recrutement, formation, gestion des talents, il y a des périmètres qu’on peut adresser et d’autres périmètres qu’on laisse aux collègues. Et il se trouve que quand cette personne a commencé à parler de son problème managérial, qui était quand même une dynamique assez compliquée, je me suis senti un peu décontenancé par les propos qu’il me donnait et je n’ai pas forcément eu la bonne réaction qu’il attendait. Pour autant je pense que j’ai eu la bonne réaction, qui était attendue de moi à ce moment-là, c’est à dire de prendre note et de renvoyer vers le collègue qui était en responsabilité. Mais lui, peut-être, attendait une solution que moi je n’ai pas su lui donner et donc qu’il a un peu… il ne l’’a pas mal pris, mais en tout cas, il s’est senti un peu abandonné par l’image RH et par la fonction RH que je représentais au moment où j’étais en face de lui.

Christophe [00:17:05] Et toi, ça t’a créé une certaine frustration ou pas du tout ?

Jonathan [00:17:12] Oui, parce que d’abord j’aime bien l’idée. Moi, j’aime bien me sentir utile, c’est logique. Mais surtout, comme à chaque interaction qu’on peut avoir avec un collaborateur, quel que soit le membre RH qui est en face, on représente la fonction RH. Ça m’embêtait qu’il ait l’impression que les RH ne savent pas alors que ce n’était pas ma responsabilité de lui donner la réponse. Donc il y a un côté frustration, mais ça j’ai appris à le maîtriser à travers le temps, c’est-à-dire à ne pas aller toucher trop tout le temps aux périmètres qui ne t’appartiennent pas.

Christophe [00:17:41] Si tu avais un conseil à donner pour être crédible à un RH, ce serait lequel ? C’est quoi les compétences nécessaires selon toi pour être crédible dans la fonction RH ? Sans parler de compétences techniques.

Jonathan [00:17:56] Je pense que le meilleur compliment qu’on peut faire à un RH aujourd’hui et qui est un peu paradoxal encore une fois, et que moi j’aime bien qu’on me fasse, et c’est souvent ce que j’entends c’est “t’es pas un RH comme les autres”.

Christophe [00:18:09] Tu sais que t’es pas un RH comme les autres Jonathan ?

Jonathan [00:18:10] *rires* Merci ! Mais c’est vrai que c’est intéressant. Malgré qu’il y ait eu tant d’évolutions, tant de transformations et d’ailleurs depuis le Covid une image RH positive qui se renforce, on reste encore et tu le vois dans les lectures, les recruteurs se battent pour être reconnus et les formateurs se battent pour sortir de cette image poussiéreuse, la DRH se bat pour sortir de cette logique de gestion du personnel. C’est encore des choses qui sont ancrées. Et donc, quand on n’est pas un RH comme les autres, si finalement on est le RH, quelque part, que les autres attendent que l’on soit. Et le conseil que je pourrais donner par rapport à ça,  c’est se nourrir du terrain, encore une fois se nourrir de ceux qui triment. Pas que les RH ne triment pas, loin de là, mais se nourrir de ceux qui sont au cœur du business, de ceux qui sont au cœur des problèmes, de ceux qui sont au cœur de ce qui va rapporter “le plus d’argent” à l’entreprise et de voir comment on peut venir développer ça, comment on peut optimiser ça et comment on peut être un maillon de cette chaîne de productivité. Donc c’est vraiment sortir de sa zone de confort, sortir de son carcan RH et aller se confronter au terrain et surtout se mettre à la place de. En tant que RH je pense que c’est notre devoir d’être empathique et de se dire comment j’aurais aimé qu’on me traite à ce moment-là, comment j’aurais aimé qu’on me propose telle ou telle idée, telle ou telle solution. Et on le voit très bien dans l’expérience candidat, dans l’expérience collaborateur aujourd’hui, c’est se mettre à la place de pour savoir ce qui est le mieux à proposer. Et surtout écouter, écouter les autres.

Christophe [00:19:54] Est ce que tu as d’autres peurs à nous partager, Jonathan ?

Jonathan [00:19:59] Oui j’ai d’autres peurs, des peurs plus perso. Je suis jeune papa, enfin c’est vite dit puisque mes filles ont trois et cinq ans. Mais j’ai peur de ne pas faire comme il faut. C’est à dire que voilà, on a un modèle parental, on a des références comme on peut avoir dans le monde professionnel, des mentors. Et si on ne sait pas trop si ce qui a été fait a été bien, pas bien, on peut reproduire des schémas et c’est vrai qu’aujourd’hui je suis confronté tous les jours à de l’éducation. C’est quand même assez fou que… Je ne sais pas si je dois tenir ces paroles mais je les tiens quand même : on a besoin d’un permis pour aller conduire, pour conduire une voiture et par contre pour éduquer des enfants on nous laisse un peu complètement à l’abandon, libre de faire ce qu’on veut alors qu’on façonne en fait un être qui va demain avoir un impact sur la société. Donc oui, j’ai peur de pas être suffisamment un papa gâteau, être pas assez ou trop sévère, pas donner les bons repères. Oui, j’ai peur de ça.

Christophe [00:21:06] Est ce que ça a changé ton profil émotionnel d’être papa ?

Jonathan [00:21:11] Oui, je pense. Oui, carrément. En fait, ça donne des niveaux par rapport à cette logique de crédibilité. Si on en revient là aussi. Le fait d’être parent, ça donne des niveaux de confrontation à sa crédibilité qui sont, je pense, au summum de ce qu’on peut rencontrer. Et donc forcément, après, quand en entreprise on s’interroge sur ça, on se dit “ouais, mais enfin, il y a des niveaux différents”, donc ça permet de relativiser ce qu’on vit en entreprise. Et ça permet, je pense, d’être plus serein paradoxalement et plus performant.

Christophe [00:21:43] Et ça change ta vision des salariés qui ont des enfants alors qu’avant toi tu n’en avais pas ?

Jonathan [00:21:49] Peut-être au niveau de l’empathie. C’est vrai que peut-être avant je me disais “OK, on peut avoir une vie perso et il faut laisser peut être sa vie perso de côté quand on travaille”. Et aujourd’hui je n’ai plus du tout cette vision-là. Même si petit à petit je commençais à la changer, depuis que je suis parent je me dis que la place en tout cas du perso, elle a complètement sa place dans le pro et elle est poreuse. Il faut juste savoir trouver le bon équilibre.

Christophe [00:22:23] Oui, on n’est plus en 2019.

Jonathan [00:22:25] Ouais voilà, c’est ça. Exactement.

Christophe [00:22:29] Si tu avais un conseil à donner à un jeune RH qui démarre dans la fonction, ce serait lequel ?

Jonathan [00:22:39] Pour le coup, ce serait écouter, se mettre à la place, se confronter à soi même et aux autres et surtout prendre du recul.

Christophe [00:22:52] Et pour finir, c’est quoi ta plus grande source de motivation professionnelle ? Pourquoi t’es RH ?

Jonathan [00:23:01] Je suis RH parce que je pense que c’est le monde où tout est possible. C’est-à-dire qu’aujourd’hui dans les ressources humaines, c’est d’abord pour moi la fonction qui est à la transverse, au centre de tout. À chaque fois qu’il y a un projet transversal quelque part, il y a forcément un aspect RH parce qu’il y a un aspect humain, parce que justement on conduit des projets avec des humains, on conduit du business avec des humains. Et donc cette fonction-là elle permet… c’est comme un peu quelque part le sang du corps humain qui véhicule partout dans le corps humain. Et il y a cette notion d’omniprésence discrète, mais qui peut avoir une action à tous les niveaux et c’est pour ça que j’aime cette fonction-là. Puis ensuite parce qu’elle me permet de réinventer au quotidien son métier, découvrir des nouvelles choses à chaque fois, se permettre et risquer des choses dans un cadre bien sûr déterminé. Mais voilà, je pense que c’est pour ça et surtout parce que je m’éclate. Aujourd’hui, je pense que tout le monde n’a pas la chance de pouvoir se dire dans son métier “aujourd’hui je suis content de me lever parce que je m’éclate”.

Christophe [00:24:12] Dans dix ans, tu seras toujours RH ?

Jonathan [00:24:16] Va savoir. Moi, je me pose la question si dans dix ans il y aura encore des différences comme ça entre le RH, le marketing, la gestion de projet et le commerce, parce que je vois qu’il y a de plus en plus de mobilité transverse où l’on voit des DG qui deviennent directeurs commerciaux, deviennent des DRH… alors un peu moins dans l’autre sens ! Et en ce moment il n’y a pas trop non plus DRH qui vont vers d’autres métiers. Mais je me dis que dans dix ans, j’aurai accumulé un tas de compétences qui, j’espère, me permettront de faire un métier quel qu’il soit, puisque apparemment il y en a plein qui ne sont pas encore imaginés, mais qui me permettent encore de m’éclater.

Christophe [00:24:58] Merci Jonathan.

Outro [00:25:01] Merci d’avoir écouté Bande de Flippés. Un podcast imaginé et produit par L’étincelle RH en partenariat avec myRHline. Si vous avez des remarques, des suggestions ou si vous voulez partager vos peurs, n’hésitez pas à envoyer un message sur LinkedIn à Etienne Ageneau ou Christophe Patte. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh.