J’ai peur de ne pas être appréciée

Bande de Flippés, c’est notre podcast en partenariat avec myRHline.

Dans cet épisode : Marion Pilliard nous confie sa peur de ne pas être appréciée.

Vous pouvez l’écouter, ou simplement lire la transcription ci-dessous.

Bouh !


Marion J’ai peur de ne pas être appréciée. Peur de dire non. J’ai peur de porter des décisions impopulaires.

L’étincelle RH Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des DRH et des recruteurs. Que l’on ait 2 ou 20 ans d’expérience dans la fonction, les doutes subsistent, inhérents à la complexité de la nature humaine. A qui puis-je en parler ? Dois-je partager à ce sujet ? Où trouver les solutions ? Nous partons à la rencontre de DRH, RH, recruteurs et recruteuse qui se confient à notre micro et ont décidé d’affronter la peur de parler de ses peurs.

L’étincelle RH On se retrouve aujourd’hui avec Marion, DRH repentie, diplômée de l’Institut de gestion sociale, experte du développement RH, DRH chez Capgemini et pourtant flippée. Je suis curieux d’en savoir plus sur ta peur. Bonjour Marion.

Marion Bonjour Etienne.

L’étincelle RH Est ce que tu peux nous expliquer cette peur?

Marion Oui, c’est une peur qui m’habite je crois depuis assez longtemps que j’ai probablement apprivoisée au fil du temps qui est la peur de ne pas être appréciée au travail. Non seulement pour la fonction, mais aussi pour la personnalité probablement.

L’étincelle RH Ça veut dire quoi “être apprécié au travail” ? C’est être aimé, apprécié ?

Marion C’est pas complètement être aimée, mais être appréciée. C’est un mélange entre reconnaissance et proximité. La reconnaissance de la qualité et de l’utilité du travail qui est réalisé. Et puis la capacité à établir une forme de proximité avec les collaborateurs, les managers, la direction. Et que cette proximité ne soit pas vue comme le choix d’un camp.

L’étincelle RH Et on a besoin d’être apprécié pour bien faire son job en RH ?

Marion Je ne sais pas qui est “on” mais moi en tout cas j’en ai besoin. Oui, ça participe de ma motivation et de mon envie de faire bien.

L’étincelle RH Et t’as souvenir de situations où cette peur de ne pas être appréciée a pu jouer ?

Marion De situations en particulier ? Probablement. Je réfléchis. Est-ce que j’ai des situations dans lesquelles j’ai agi pour être appréciée ?

L’étincelle RH Où cette peur s’est peut être plus exprimée que d’autres ?

Marion Il est possible que j’ai à différer un certain nombre de prises de décision pour continuer à être appréciée oui. Mon mode de fonctionnement c’est la conviction. J’ai besoin de convaincre pour embarquer et ne pas imposer. Et donc, oui, convaincre de l’intérêt d’une décision, ne pas l’imposer, c’était aussi pour moi une manière d’être appréciée.

L’étincelle RH La fonction RH est parfois dite “mal aimée”. En RH, on est soit aimé, soit détesté, comment on se positionne ?

Marion On est d’abord un être humain au service des autres êtres humains. On est apprécié et puis un peu moins. On est apprécié ou pas, on apprécie ou on n’apprécie pas. Ça va dans les deux sens. Il est assez probable qu’en RH en tout cas, moi j’ai développé par moments une posture de sauveur.

L’étincelle RH Le fameux triangle de Cartman.

Marion Le fameux triangle de Cartman oui. Accompagner les gens et peut-être même envisager de les prendre en charge. C’est un métier en tout cas que moi j’ai fait parce que j’avais envie d’accompagner les individus et les collectifs. Donc on cherche probablement quand on est sauveur – et j’ai cherché et j’ai grandi sur le sujet –, mais j’ai cherché à être apprécié par ce biais là. Est ce qu’on est forcément soit sauveur, soit persécuteur ? Je ne crois pas être naïve en disant ça, je ne connais pas de DRH persécuteur en ayant l’intention de persécuter. Je connais des DRH qui sont garants du cadre, de la règle, de l’application de la loi, et ça les pose peut être vu de loin en posture de persécuteur. Mais je ne crois pas à l’intention de persécuter dans ce cadre là. Elle est peut-être un peu plus présente, l’intention de sauver, quand on se positionne en rôle de sauveur.

L’étincelle RH Et comment on sort de cette posture de sauveur ? Si on doit en sortir ou pas.

Marion Alors encore une fois, moi j’ai eu besoin d’en sortir pour prendre soin de moi, pour continuer à grandir. Et puis probablement pour être aussi plus équitable dans la manière de traiter les individus. Tout à l’heure, je disais “on apprécie plus ou moins les gens”. Évidemment, c’est le principe de base. Voilà, il y a des gens avec qui on se sent des affinités, avec qui on a des facilités à collaborer et à créer des relations. Et puis pas tous. Ce qui est devenu très important pour moi, c’est que quel que soit le niveau d’affinité ou de proximité entretenu avec les individus, il soit toujours dit que j’ai traité les gens avec équité. Voilà. C’était très important et je pense à une situation en particulier où un manager opérationnel est venu me voir un jour en me disant “On lit en toi comme un livre ouvert et on voit que tu l’aimes pas quoi”, et je lui ai dit “c’est OK. Pour autant, est-ce que tu as le sentiment que je le traite avec inéquité ? Si c’est le cas, c’est un vrai sujet et j’ai des choses à faire. Si ce n’est pas le cas, c’est pas très grave”. Je dors bien avec le fait de communiquer aussi mes émotions. C’est pas très grave pour moi dès lors qu’on considère que ça ne m’empêche pas de traiter les gens de manière très équitable, ce qui était très important dans la fonction de DRH.

L’étincelle RH Et dans tes différentes expériences, cette peur de ne pas être appréciée elle s’est exprimée à chaque fois de la même façon ? De manière un peu différente en fonction des cultures et des organisations ?

Marion Elle est inhérente à moi, plutôt à ma personne. Donc à chaque fois que j’ai pris un poste je suis venue avec cette peur qui, au fil du temps, était plutôt devenue une appréhension. Le bilan que je fais, c’est que finalement cette peur ne m’a jamais empêchée d’avancer et voire même elle peut être un moteur par moment. Il y a évidemment des cultures d’entreprise plus favorables à accueillir les émotions au sens large, y compris la peur, la peur qui est l’émotion primaire qui traduit le besoin d’être rassuré. Donc, il y a des cultures d’entreprise qui accueillent plus favorablement ce type d’émotions. Il y a des personnalités aussi, des dirigeants, des managers qui sont OK avec le fait que les collaborateurs puissent exprimer des peurs, des doutes, des inquiétudes, peu importe. Et puis je pense que c’est peut-être aussi des cultures d’entreprise qui font une part plus belle ou plus large à la fonction RH. Je pense que ça joue aussi. Plus la fonction est légitimée, plus il me paraît légitime d’exprimer des doutes.

L’étincelle RH Est-ce que cette peur de ne pas être appréciée, j’entends ce besoin d’équité que tu évoques, mais elle peut jouer aussi parfois dans des écarts de posture RH ?

Marion Je ne sais pas exactement ce que c’est la “posture RH”, ça c’est toujours un sujet. En 20 ans de carrière je n’ai pas réussi à percer ce mystère, voire même je pense que j’ai une vision assez négative de ce qu’est la posture RH en fait. Dans mon esprit, on m’a toujours dit “c’est cool parce que t’as pas la posture RH”, alors j’ai l’impression que c’est plutôt positif *rires*. Du coup la posture RH, pour moi, c’est une posture un peu autoritaire. Je crois qu’on peut entraîner, encadrer, faire grandir, faire adhérer et y compris faire respecter la règle sans être autoritaire. Et je partage cette citation qui m’a été offerte une fois par une DRH qui m’a dit : “être manager ou être DRH, c’est être aussi doux que possible et aussi ferme que nécessaire”. Voilà, c’est comme ça que j’ai essayé de travailler.

L’étincelle RH Et dans cette capacité à exprimer ses doutes, ses émotions, on dit souvent dans les organisations qu’il faut apprendre à gérer ses émotions. C’est quoi la place de l’émotion quand on est RH et comment on la gère ?

Marion Déjà “gérer les émotions”, le terme est hyper intéressant. Qu’est-ce que ça veut dire “gérer” ? Pour moi gérer ses émotions, c’est d’abord être capable de reconnaître qu’on en a, qu’elles nous traversent, que par moments elle nous débordent, qu’elles ne sont pas toutes les mêmes, qu’elles ont des noms et qu’elles ont des traductions qui sont différentes. Je n’exprime pas l’émotion peur comme j’exprime l’émotion joie, comme j’exprime l’émotion tristesse. Donc c’est d’abord cette capacité à les reconnaître, à les accueillir. L’entreprise n’est traditionnellement pas le lieu d’accueil des émotions et pourtant, je suis fondamentalement persuadée que c’est indispensable de pouvoir permettre aux individus d’être des individus, y compris émotionnels, y compris quand ils sont salariés. Donc, est-ce que l’entreprise sait gérer les émotions ? Je crois que certaines apprennent, que c’est un sujet qui devient un sujet de réflexion pour beaucoup d’entreprises. Est-ce qu’exprimer des émotions, ça empêche ? Je ne crois pas que ça empêche. C’est un travail, encore une fois, d’être capable de les identifier, de les reconnaître. Peut-être que le sujet qui reste autour de “gérer les émotions”, c’est comment est ce que je les contrôle, plus que les gérer probablement. Voilà. Comment elle ne m’empêche pas de travailler en fait.

L’étincelle RH Est-ce qu’il y a des clés, ou pas, qui t’ont permis au cours de ta carrière justement, de mieux les gérer, mieux les accepter ou mieux les exprimer ?

Marion Oui. La première d’entre elles, c’est l’expérience. C’est expérimenter des trucs, des situations où on a le sentiment qu’on se laisse déborder et se dire “Wow ! Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce que ça dit de moi ? Qu’est-ce que ça dit de la situation ? Est-ce que c’est ok pour moi ou est-ce que c’est pas ok pour moi ? Et si c’est pas ok pour moi, qu’est-ce que je peux faire pour que ça n’arrive plus ? Ou en tout cas moins fort ou moins brutal peut-être”. Voilà. Donc oui, il y a des situations où ça m’est arrivé. Est-ce que ça m’arrivera encore ? Certainement. Je suis un être fait d’émotions, donc ça arrivera encore. Le chemin c’est d’apprendre encore une fois à les reconnaître et à les accueillir.

L’étincelle RH Cette peur de ne pas être apprécié, ou ce besoin, il s’exprime de la même façon ? J’ai besoin d’être à la fois apprécié de mes collègues, de mon manager, mes IRP ? Est-ce qu’on va jusque là?

Marion Ça va assez loin. Mais principalement en tant que manager, ça c’était fondamental pour moi oui, être appréciée. Alors encore une fois, apprécier ne veut pas dire aimer, mais que les collaborateurs que j’avais avec moi reconnaissent que je traitais leurs situations avec équité, encore une fois avec un niveau d’affinité qui est ce qu’il est en fonction des individus. Et puis me reconnaissent une capacité à embarquer et à les faire avancer au nom de l’équipe, du collectif et pas de l’individu. Vis-à-vis de la direction, être appréciée pour ses résultats bien entendu, pour son efficacité mais pas que, pour son humanité… Pour moi, c’est important. Donc oui, être apprécié de la direction également. Être appréciée des IRP ce n’était pas un besoin. Là s’exprimait plutôt le besoin de convaincre. Ce n’était pas grave qu’ils ne m’apprécient pas. Ce qui était plus grave, c’est qu’ils ne soient pas convaincus par le bien-fondé de ce que j’avais fait.

L’étincelle RH Par rapport à la direction évoque ce besoin d’humanité. On est parfois dans des organisations où on a des managers ou des boss au-dessus qui sont très focus résultats, et le reste beaucoup moins. Comment on se préserve en tant que RH quand on est dans ce besoin là, dans des organisations où potentiellement c’est moins présent ? D’un point de vue pratique managériale. 

Marion La réponse qui vient spontanément, c’est qu’on cherche des alliances et donc des alliés. Ce n’est pas forcément évident, mais un certain nombre de dirigeants sont moins habités par ce besoin d’humanité et sont beaucoup plus orientés résultats, etc. Je ne peux pas croire que tous le soient et on a forcément, dans un environnement assez proche des gens qui marchent aussi à l’humanité, à l’émotion. Donc être capable de les repérer, d’en faire des alliés, parce que c’est beaucoup plus facile quand on est plusieurs. Et puis on se protège et on se ressource je crois en se connaissant bien, en étant lucide sur quelles attentes on peut avoir vis-à-vis des autres, voilà. Et puis, en trouvant des moyens de se ressourcer en dehors aussi. La vie ne se joue pas qu’au bureau.

L’étincelle RH Je suis jeune RH, imaginons, je démarre dans la fonction. J’ai du mal à gérer mes émotions, en tout cas j’ai un fort besoin d’être apprécié, reconnu, aimé, ça vient parfois un peu trop loin dans le fait de m’emporter. Quels conseils tu me donnes en tant que RH ?

Marion Regarde, observe, écoute, questionne, questionne autant que possible et fais-toi confiance. Sois ouvert et tolérant vis-à-vis des autres et vis-à-vis de toi. Voilà. Tu vas démarrer et c’est normal par moment d’être débordé. Et peut-être même que dans 20 ans, ce sera toujours le cas et ce ne sera pas très grave non plus.

L’étincelle RH Et comment je fais si j’ai des peurs ? C’est quoi mes supports, mes aides ? Est-ce que j’écris à mon manager, à mes collègues ?

Marion Ça dépend de l’environnement dans lequel tu vas évoluer, de ton mode de fonctionnement. Il y a peut-être des gens pour qui c’est pas facile de dire dans l’environnement professionnel “j’ai des peurs, j’ai des doutes, j’ai des craintes”. Moi, je crois que j’en ai souvent parlé. A mes managers, à mon équipe. C’est OK pour moi de dire à une équipe à l’âge où on va faire ensemble un truc qu’on n’a jamais fait oui, ça peut faire un peu peur, eh bien on va le faire quand même. Mais oui, on n’est pas des robots. Et puis il y a quand même une part de solitude. Le mot est fort, mais malgré tout, quand on est RH, c’est une fonction qui n’est quand même pas très simple quand on veut partager des peurs, des craintes, des doutes. Avec ses pairs bien entendu, et puis avec son environnement. Mais oui, il y a quand même une question. On parle de la solitude du dirigeant, de la solitude du manager, pourquoi pas de la solitude du DRH ?

L’étincelle RH Ce besoin d’être apprécié il amène parfois, comme tu l’évoques, à apporter de l’attention à chacun et donc à passer du temps avec les collaborateurs, les managers et donc à avoir la DRH qui est encore enfermée dans son bureau à écouter tout le monde au lieu d’être productive et efficiente. Est-ce que c’est quelque chose que tu as parfois ressenti dans le regard de ce qu’on attendait de toi dans les organisations ?

Marion Est-ce que je l’ai ressenti ? Peut-être, et peut-être que j’ai choisi de ne pas en tenir compte. Pour moi passer du temps avec les individus, avec les équipes etc, c’est d’abord une partie intrinsèque du job. C’est ce pour quoi je l’ai fait plus que pour, peut-être faire des tableaux de suivi. Et puis, c’est certainement aussi une manière de déminer un certain nombre de sujets, de pouvoir ensuite gagner en efficacité quand on veut faire adhérer à un sujet, mettre en place une organisation. Donc plus on connaît les gens, plus on connaît leurs sujets, plus on connaît leur parcours, plus on reconnaît leurs compétences, plus on est à même de s’appuyer sur toute cette connaissance. Donc pour moi, ce n’est jamais une perte de temps, non ?

L’étincelle RH Comment on gère ce paradoxe parfois dans une organisation ? En effet, en disant “il est essentiel pour moi RH, de connaître mes collaborateurs”, mais quand je suis DRH d’un périmètre de 500, 1000, 1500, 2000, 10 000 collaborateurs, comment j’arrive à maintenir cette attention et cette proximité ?

Marion Il faut se dire qu’elle ne sera pas possible avec tout le monde, bien entendu. J’étais DRH d’un périmètre de 1600 personnes, j’ai pas rencontré l’intégralité des 1600 collaborateurs. Il faut admettre qu’il y a des équipes pour ça. On a, en tant que DRH, une équipe de RH qui connaît sa population de manière plus proche et que nous, notre but, c’est de connaître les gens sur lesquels s’appuyer pour faire tourner l’organisation. Ce qui ne veut pas dire que quand on rencontre des gens on ne s’intéresse pas à eux, y compris s’ils n’ont pas des positions clés dans l’organisation. Pas du tout. Mais il faut admettre qu’on ne pourra pas connaître effectivement la totalité des collaborateurs qui sont dans le périmètre qu’on va avoir à gérer.

L’étincelle RH Est-ce que tu penses que cette peur de ne pas être appréciée a pu parfois impacter tes résultats ou te mettre en difficulté ?

Marion Me mettre en difficulté ? Probablement. Pas tant sur le plan professionnel, mais m’exposer, moi à titre perso, oui, bien sûr, parce que par moment ça pose des questions. On a des questionnements forts, jusqu’à des cas de conscience, donc oui, ça expose. C’est sûr que ça expose. Est-ce que ça a nui à mes résultats ? Je ne pense pas. Est-ce que ça a nui à mon évolution de carrière ? Peut-être pas, mais en tout cas, par moments, ça m’a été dit : “est-ce que ce n’est pas trop de proximité ? Est-ce que c’est la bonne “posture” ?

L’étincelle RH Et comment on gère justement ce type de retour ? Cette exposition ça nous fait douter, ça remet en question nos choix ou on passe à côté, on s’en fiche ?

Marion Non. Alors moi je ne sais pas passer à côté, m’en fiche. Ça parle de moi, je doute, je m’interroge, et puis je continue à avancer. Ce fameux sujet sur la posture, il y a eu un moment dans mon expérience professionnelle où je me suis dit “bon, donc manifestement je n’ai pas la posture”. Est-ce que ça m’empêche de bien faire mon job ? J’ai pas l’impression. Est-ce que j’ai envie d’avoir la posture que j’imagine qu’on attend de moi ? Je ne crois pas. Donc on continue comme ça.

L’étincelle RH Et c’est quoi pour toi, justement, la vision de la bonne posture ? On a bien compris qu’en effet il y avait le débat de est-ce qu’elle existe ou n’existe pas, mais ce qui peut faire un bon RH ? Si le terme n’est pas trop réducteur ou trop caricatural.

Marion Dans mon portrait du bon RH, il y a de l’humanité d’abord et avant tout. De l’efficacité et une orientation client hyper forte. On travaille “au service de”, alors au service d’organisations, au service de l’efficacité d’un business, etc. Une appétence au sujet business quand même. Je pense qu’on est plutôt un bon DRH quand on s’intéresse au business des gens pour lesquels on travaille, de la curiosité et de l’ouverture aux autres, une vraie adaptabilité. Et puis les dernières années nous ont montré qu’il fallait sortir de tout ce qu’on connaissait pour faire totalement différemment, et une bonne dose de résilience.

L’étincelle RH Est-ce qu’il y a d’autres peurs ? On évoque beaucoup aujourd’hui, forcément, la peur de ne pas être apprécié. Est-ce que tu as eu d’autres peurs en tant que DRH ?

Marion Pleins ! Mais encore une fois, je pense que finalement ça fait presque partie de mon moteur. La peur de se tromper. On prend des décisions régulièrement en recrutement. Est-ce qu’on fait le bon choix pour son équipe ou pour des équipes opérationnelles ? La peur quand on est sollicité sur une situation conflictuelle, on entend des gens raconter leur histoire, mais on ne vit pas la situation et puis à un moment on conseille, on décide. Est-ce qu’on est dans le vrai ? La peur de ne pas être crédible. Quand on commence dans la fonction, quelle est la légitimité en fait. Pour répondre à un certain nombre de sujets qui sont par moment un manager qui vient voir en disant “j’ai telle situation en tant que manager”, quand on a soi même pas encore été manager. Donc oui les peurs elles sont nombreuses et en même temps on parlait tout à l’heure du DRH persécuteur. Je crois que pour ne pas être comme ça, il faut avoir peur un peu. Je pense que si on est vraiment trop confiant, on pourrait avoir tendance à être moins humain. Et dans la fonction de RH, ça pourrait être embêtant.

L’étincelle RH Comment on se préserve en tant que RH ? De tous ces sujets et de ces éléments relationnels que tu évoques.

Marion Si tu connais quelqu’un sait, moi je veux bien son nom *rires*.

L’étincelle RH Appel aux auditeurs !

Marion Comment on se préserve ? Alors moi une de mes défenses c’est l’humour, voilà. Typiquement, ça m’a beaucoup aidée dans beaucoup de situations de dédramatiser. Très souvent en rigolant avec des managers en se disant “OK, on sauve pas des vies”. Alors bien sûr on gère des situations qui par moments sont des situations humaines, donc elles peuvent être très complexes, les décisions qu’on prend peuvent avoir un impact sur la vie des collaborateurs, etc Mais tout ça, c’est OK. Encore une fois, l’humour beaucoup, beaucoup, beaucoup. Moi, c’est vraiment mon premier levier de dédramatisation. Parler de la solitude du DRH. Alors quand on ne peut pas parler dans son organisation et trouver des gens à qui parler ailleurs, faire part de ses questionnements, etc, se sentir autorisé en fait à ressentir et puis à parler. Et comment on se ressource ? Moi je me ressource ailleurs, encore une fois ailleurs qu’au bureau.

L’étincelle RH Et c’est facile, en tant que DRH, de venir justement partager ses peurs comme tu le fais aujourd’hui ?

Marion Non *rires*. Non, parce qu’on commence par se dire qu’on a peur de dire qu’on a eu peur ou qu’on a toujours peur. Non, ce n’est pas facile et en même temps, c’est hyper enthousiasmant de le faire parce que c’est ce qu’on espère : qu’on est plein à avoir peur et qu’on va être plein à oser se le dire.

L’étincelle RH On parle des peurs, mais c’est quoi l’émotion qui te traverse le plus dans ta fonction de DRH ? Enfin, en tant que DRH repentie.

Marion En tant que DRH repentie, l’émotion qui m’a le plus traversée le plus souvent, et j’espère que ça continuera aussi dans cette autre carrière, c’est l’enthousiasme. L’enthousiasme de rencontrer des gens, de partager, d’embarquer, de convaincre, de faire alliance.

L’étincelle RH Si on avait une personne qui t’inspire, ou qui pour toi pourrait venir partager ses peurs et qui oserait venir exprimer les choses, est-ce que tu penses à quelqu’un ?

Marion Oui, je pense que oui. Je pense à Emmanuelle Thomas, qui est DRH à la CCI Val de Loire. Et je pense que ce serait une chance pour tout le monde de l’entendre.

L’étincelle RH Pour quelles raisons ?

Marion Pour une expérience multiculturelle, riche, et pour un parcours qui, en tout cas sur le papier, semble laisser peu de place à la peur.

L’étincelle RH D’accord, merci en tout cas. Donc Emmanuelle si tu nous écoutes, prépare toi à recevoir un SMS très prochainement. Pour terminer sur notre échange, c’est quoi aujourd’hui ta plus grande source de motivation, d’apprentissage ? Alors tu es sortie de la fonction de DRH opérationnelle, mais qu’est-ce qui justement t’anime aujourd’hui ?

Marion L’autre. L’être humain, l’individu, et comment j’accompagne. En étant sortie de cette fonction de DRH et donc “DRH repentie, coach en devenir”, c’est ça le projet professionnel aujourd’hui. Comment je continue à accompagner dans un rôle différent et comment je me nourris des autres.

L’étincelle RH Pour conclure notre échange, si tu avais un dernier mot à partager avec les personnes qui nous écoutent sur cette peur de ne pas être apprécié, d’être aimé, même si on a bien compris qu’on était sur la première notion, qu’est-ce que tu as envie de leur dire en mot de conclusion ?

Marion J’espère que je ne suis pas la seule à ressentir cette peur. Je crois que je ne suis pas la seule. J’espère que vous vous autoriserez à le dire, voilà. Et que probablement que dès lors qu’on en parle déjà, ça fait moins peur. 

L’étincelle RH  Merci d’avoir écouté Bande de Flippés. Un podcast imaginé et produit par L’étincelle RH en partenariat avec myRHline. Si vous avez des remarques, des suggestions ou si vous voulez partager vos peurs, n’hésitez pas à envoyer un message sur LinkedIn à Etienne Ageneau ou Christophe Patte. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh.