J’ai peur de me planter de candidat·e

Bande de Flippés, c’est notre podcast en partenariat avec myRHline.

Dans cet épisode : David Lansade nous confie sa peur de se planter de candidat·e.

Vous pouvez l’écouter, ou simplement lire la transcription ci-dessous.

Bouh !


David [00:00:00] La peur de ne pas trouver le bon candidat.

L’étincelle RH [00:00:05] Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des DRH et des recruteurs. Que l’on ait 2 ou 20 ans d’expérience dans la fonction, les doutes subsistent, inhérents à la complexité de la nature humaine. A qui puis-je en parler ? Dois-je partager à ce sujet ? Où trouver les solutions ? Nous partons à la rencontre de DRH, RH, recruteurs et recruteuse qui se confient à notre micro et ont décidé d’affronter la peur de parler de ses peurs.

L’étincelle RH [00:00:28] On se retrouve aujourd’hui avec David, DRH de l’Institut du Monde Arabe. Plus de dix ans dans les télécoms, chez Orange et SFR, cinq années à piloter des activités RH en Afrique centrale et de l’Est, et pourtant, flippé. Je suis curieux d’en savoir plus sur ta peur. Bonjour David.

David [00:00:43] Bonjour Etienne.

L’étincelle RH [00:00:44] Est-ce que tu peux nous expliquer cette peur ?

David [00:00:46] C’est une peur qui est liée à une des principales fonctions de la RH, c’est le recrutement et c’est la peur de ne pas trouver le bon candidat. Un bon candidat qui puisse convenir à la fois aux managers, à la fois à l’organisation qui soit un mouton à cinq pattes, de couleur bleue, avec des petits pois roses et ça n’existe pas. On le sait tous. Et donc le challenge, c’est effectivement de trouver le meilleur candidat d’un groupe de bons et non pas le plus mauvais d’un groupe de nuls. 

L’étincelle RH [00:01:21] Ça veut dire quoi se planter en recrutement finalement ? Je trouve mon candidat mais être sûr que soit le bon et de ne pas me planter, c’est quoi se planter en recrutement ?

David [00:01:29] Se planter en recrutement c’est avant toute chose, que ce soit la décision du candidat ou que ce soit la décision de l’entreprise, c’est que le candidat ne reste pas. C’est à dire que le candidat, durant la période d’essai, soit lui prend la décision de quitter parce que ça ne correspond pas à ce qui lui a été présenté ou ça ne correspond pas à ses attentes, ou effectivement, l’entreprise va considérer que le candidat ne répond pas non plus aux attentes que l’entreprise a. C’est ça se planter, parce que ça a un coût, un coût financier important. Aujourd’hui, ce coût est évalué aux alentours de 50 000 €. Donc se planter en recrutement c’est dire « j’ai perdu 50 000 € ».

L’étincelle RH [00:02:13] Et cette peur de se planter, c’est une peur que t’as toujours eue ? Qui a évolué avec le temps ? En plus je crois que tu as démarré en recrutement, donc c’est une peur qui a toujours été présente ?

David [00:02:23] C’est une peur qui a grandi au fur et à mesure. Au départ j’étais jeune, peut-être un peu plus insouciant, mais cette peur a progressivement grandi en fonction des profils que j’ai été amené à recruter. Quand on recrute des Chargés d’études ou des Chefs de projet, ça reste quand même quelque chose d’assez assez simple. Quand on commence à recruter un Directeur de projet, un Directeur de programme, quand on recrute un Directeur commercial, etc… là la pression est un peu plus forte. D’abord, c’est quelqu’un qui va intégrer un comité de direction, et là vient s’ajouter une peur supplémentaire qui est effectivement que la personne puisse s’intégrer à une équipe déjà en place. En fait c’est ça, c’est de se dire « je dois trouver le candidat qui est le meilleur candidat parce qu’il aura toutes les compétences que l’on recherche. Mais c’est aussi quelqu’un qui devra convenir à son manager. C’est quelqu’un qui devra aussi s’intégrer dans une équipe déjà existante. Et potentiellement, s’il est en situation de management, c’est effectivement qu’il devra aussi s’intégrer dans une équipe de collaborateurs. » Donc ça fait beaucoup de choses et ça fait beaucoup de peurs qui s’ajoutent les unes aux autres, qui fait qu’à un moment donné, il y a quand même de la pression.

L’étincelle RH [00:03:44] Et l’effet grandissant de cette peur à la fois liée à des profils plus complexes, en tout cas plus sensibles dans les organisations peut-être, elle est liée à des expériences justement de plantages qui t’ont marquées ou pas ?

David [00:03:58] Oui, j’ai un ou deux plantages en tête. En même temps on va se dire « c’est humain », et on travaille sur une nature qui est la nature humaine, donc effectivement il n’y a pas de règles. Mais oui, je me rappelle surtout d’une candidate que je ne voyais absolument pas sur le poste. Et le manager a vraiment, vraiment fait du forcing. Ce qui m’a « bypassé » pour aller voir mon patron pour recruter cette candidate, et je persistais à dire que ce n’était pas la bonne candidate. J’en étais vraiment intimement persuadé. Mon patron m’a dit « faut lâcher l’affaire », ok très bien. La personne prend ses fonctions etc., ça se passe moyennement bien. Ce n’était pas une intégration fluide, c’était plutôt une intégration au forceps. Et puis, il lui a fallu à peu près 18 mois pour avoir la tête de son patron, c’est à dire pour avoir la tête de celui qui l’avait recrutée, qui l’avait sponsorisée. Voilà j’ai considéré que là, finalement, les doutes ou la peur que j’avais de me dire « ça ne fonctionnera pas », eh bien cette fois elle était caractérisée puisque c’est quelqu’un effectivement qui n’a eu de cesse que de vouloir la place de son propre patron. Donc pour moi, ça c’est un plantage, c’est l’enfer. Certes, je n’étais pas à l’initiative, mais j’aurais peut-être dû être plus plus ferme, camper sur mes positions, amener peut-être des arguments supplémentaires qu’à l’époque je n’avais pas etc. Mais pour moi, ça c’est un plantage parce que ça met aussi en péril l’organisation en interne, ça peut avoir un impact sur les collaborateurs etc. Donc pour moi, ça oui c’est un plantage.

L’étincelle RH [00:05:48] Là dans ce que tu évoques, finalement la notion de « plantage » elle n’est pas liée au fait qu’elle n’avait pas les compétences parce que potentiellement c’est quelqu’un qui a évolué dans l’organisation.

David [00:05:55] Tout à fait.

L’étincelle RH [00:05:56] Mais c’est plutôt lié à des éléments de culture, de type de fonctionnement peut-être.

David [00:06:00] De mode de fonctionnement, de posture personnelle de quelqu’un qui effectivement roule pour lui uniquement et ne roule pas pour le collectif. On est dans des organisations aujourd’hui où on n’est pas tout seul, inévitablement on est avec un collectif. Donc c’est aussi travailler avec ce collectif. On ne fait jamais les choses tout seul, quel que soit son positionnement dans l’entreprise. Donc je considère qu’effectivement c’est le collectif, et ces dernières années l’ont montré, le collectif est quelque chose qui a pris plus d’importance qu’il n’en avait auparavant.

L’étincelle RH [00:06:36] C’est intéressant ce que tu évoques parce que finalement ces notions de « plantage » il y a aussi le fait de se dire : Est-ce que je suis ou pas responsable en tant que RH, que recruteur, quand j’intègre un profil qui est potentiellement toxique dans l’organisation ? Où est ma part de responsabilité ? Est-ce que je me suis planté en faisant ça ? Finalement, c’est ce que je lis dans ce que tu évoques.

David [00:06:56] C’est ça, tu as raison. Je considère que sur l’intégration d’un élément qui se révélera être toxique, pour moi la part du RH elle est quand même engagée puisque c’est aussi à nous de pouvoir détecter, de par effectivement les entretiens et éventuellement des tests supplémentaires etc, de pouvoir effectivement se dire à un moment donné « là il y a quelque chose qui me gène et si ça me gène moi, ça peut aussi gêner les autres » et ça sera à plus grande échelle. Donc intégrer un collaborateur toxique dans une organisation ou dans une équipe, là pour moi je considère que la responsabilité du RH elle peut être engagée oui.

L’étincelle RH [00:07:39] Et la clé pour gérer cette peur ou l’éviter, ou éviter de se planter plus que d’éviter la peur, c’est quoi ? Ça repose sur le processus d’évaluation ? Ça repose sur le mode de fonctionnement avec le manager dans les échanges du processus ? C’est quoi les clés ?

David [00:07:56] Ça m’est arrivé ! Là c’est l’expérience qui parle. Ça m’est arrivé de revoir un candidat trois fois en entretien. Parce que j’avais un doute, et ce doute qui avait émergé lors du premier entretien il n’était pas résolu lors du second entretien. Il a été résolu lors du troisième entretien, mais il a fallu que je rencontre la personne trois fois pour que mon doute se caractérise en certitudes et fasse qu’à un moment donné, je prenne la décision de ne pas présenter ce candidat au manager. Et j’étais très content. Finalement, l’expérience ensuite, a montré que j’avais bien fait de ne pas le faire parce que c’était un élément extrêmement toxique. Mais il le savait et il en jouait aussi, c’était assez pernicieux. Donc oui, je pense que l’on doit à la fois tenir compte, j’allais dire du processus d’évaluation qui est en place. Le processus d’évaluation, c’est effectivement par des entretiens, mais ça peut être aussi complété selon la nature des organisations par des tests des choses comme ça, des mises en situation. Moi, je crois beaucoup en matière de recrutement à l’assessment de recrutement. Je crois beaucoup à la mise en situation. Ça permet de voir les gens vraiment parce que la nature humaine est ainsi faite qu’elle prend le dessus très rapidement. Quand on les évalue en groupe, on voit tout à fait ceux qui vont tirer la couverture à eux, ceux qui vont être plus sur la réserve, ceux qui vont être attentistes, ceux qui vont ne rien faire aussi parfois, etc. Donc je crois beaucoup à ça, l’assessment de recrutement. Et après c’est le manager, c’est aussi ce que lui va nous en dire, la restitution qu’il va nous faire de l’entretien, ce qu’il a retenu, ou ce qu’il a totalement occulté, etc. Et ça permet, je trouve que c’est vraiment le mix des deux, c’est à dire à la fois l’évaluation RH et à la fois l’évaluation du manager opérationnel qui fait que  là on commence à avoir un socle assez solide pour se dire qu’on va peut-être ne pas se planter, ou du moins faire le meilleur choix possible.

L’étincelle RH [00:10:15] La peur de se planter, ça amène parfois dans certaines organisations à ce que dans des processus le manager ait besoin de voir plein de candidats. Donc on va en avoir 20, 30, 40, voire même plus je crois. Est-ce que c’est quelque chose que tu as vécu et comment tu l’analyses ?

David [00:10:28] 68 candidats pour un poste, ça c’est mon record aujourd’hui.

L’étincelle RH [00:10:35] Mais ça, c’est la peur de se planter qui amène à en avoir 68 ? C’est le plantage dans le process qui a amené à en voir autant ?

David [00:10:42] Non là c’est le manager, très clairement. C’est le manager qui n’arrive pas à se décider pour un candidat ou pour un autre. Alors que très clairement, sur les 68 candidats, je pense que 25 étaient quand même de très très bonne facture et auraient vraiment rempli la mission de manière très professionnelle. Là, on est effectivement sur un manager qui est dans l’indécision, donc il voudrait prendre un petit morceau de l’un, un petit morceau de l’autre etc. Là j’ai tenté de lui expliquer que malheureusement, ça n’était pas possible. Donc on ne découpe pas les candidats pour en faire le candidat idéal. Compte tenu de ça, il faudrait bien à un moment donné se décider. Et puis finalement, la situation elle perdure ainsi…

L’étincelle RH [00:11:33] Excuse-moi David, mais est-ce que côté recruteur, finalement, on ne vient pas ensuite alimenter en tout cas ce processus ? Parce que plus on voit de candidats, plus nous aussi on est en doute, plus on a potentiellement peur de se planter. Comment ça influe sur ton processus à toi ?

David [00:11:48] Alors le le doute ne s’installe pas à ce moment-là, pas du tout. En tout cas, pour moi, ce n’est pas là que le doute intervient parce que j’ai compris comment ce manager fonctionnait et que donc je sais comment il est. Donc je sais très bien qu’il faut « produire du candidat ». J’ai peut-être la faiblesse de croire qu’en continuant à lui présenter des très bons candidats, à un moment donné, il verra effectivement à travers l’un d’entre eux le candidat qui peut lui convenir. Je ne me désespère pas par rapport à ça. Je dis simplement que là, c’est une contrainte qui finalement s’impose à moi. Voilà. Mais je me dois quand même de toujours lui présenter les meilleurs candidats que j’ai rencontrés. Il y a des candidats qui sont de bons candidats, mais qui ne sont pas de très bons candidats. Et malheureusement, ces candidats, je ne les présente pas parce que je sais que de toute façon, ça ne passera pas. Donc c’est pas la peine que je perde mon temps et que lui perde aussi le sien. Donc je ne présente que les très bons candidats dont je suis à peu près certain. Après, les choses se passent ou elles ne se passent pas. En l’occurrence, pour l’instant, elles ne se sont pas encore passées malheureusement. Mais donc on va continuer à rencontrer des candidats. Mais je crois aussi que selon les organisations, et selon les processus de recrutement qui sont mis en place au sein de ces organisations, il faut présenter trois ou quatre candidats, pas plus. A partir du moment où nous on est certains des trois ou quatre candidats que l’on présente, il faut aussi avoir cette force de conviction de manière à pouvoir, entre guillemets bien sûr, « vendre le candidat » au manager. Et aussi savoir argumenter, savoir lui exposer les faits de manière très factuelle, pourquoi ce candidat ou cette candidate est effectivement le meilleur. Donc je crois aussi que les RH, les recruteurs en particulier, on doit être plus incisif. On doit faire preuve d’assertivité pour convaincre aussi les managers qui parfois eux, sont dans une totale indécision. Notre rôle, c’est aussi de les accompagner eux, finalement.

L’étincelle RH [00:14:16] C’est quoi les clés ? Je suis un jeune recruteur, je suis face à un manager qui justement a peur de se planter, et donc tout candidat que je lui présente, il a des doutes, des questionnements. Comment je l’aide à prendre la bonne décision en ayant ce doute-là qui peut exister, mais en prenant une décision en tout cas, et à gérer cette peur de se planter qui fait que tous les candidats que je lui propose il va les refuser parce qu’il n’a pas son mouton à cinq pattes ?

David [00:14:43] Là il y a pour moi deux, voire peut-être trois choses. C’est aller au-delà des peurs du manager. On adopte plutôt une posture de coach avec effectivement, de manière à le questionner du pourquoi, du comment il a peur. Et cette peur, finalement, elle est liée à quoi ? De manière à pouvoir un peu « dégonfler » la pression, donc ça c’est côté manager. Mais c’est aussi le rassurer, avec des choses toutes simples : c’est le rassurer en lui disant « il existe une période d’essai, elle sert à ça justement ». Alors certes on préfère que le candidat reste, mais si la période d’essai n’est pas concluante, très clairement, le processus peut s’arrêter. Donc il n’y a pas pour le manager un « plantage », ce n’est pas parce qu’on a recruté quelqu’un qu’on va travailler avec lui pendant les 25 prochaines années. Pas du tout. Donc ça aussi, c’est peut-être des choses à mettre un peu en avant et en exergue avec le manager, de manière à pouvoir le rassurer. Et puis aussi lui expliquer qu’on sera là, c’est-à-dire qu’il y a un processus de recrutement, mais ensuite il y a un processus d’intégration et que dans le cadre de ce processus d’intégration, bien évidemment, on va avoir des temps où on va se parler, on va parler au candidat, on va l’écouter. Je pense que c’est important l’écoute qu’on peut avoir vis-à-vis du candidat et notamment un candidat qui est en prise de fonction. C’est important de savoir l’écouter, c’est important. Il est un peu perdu. C’est un nouvel environnement, même s’il connaît très bien son métier il a plein de choses à intégrer, donc l’intégration est quelque chose d’important. Le recrutement peut être réussi, mais si l’intégration est ratée, ça deviendra un recrutement raté. Donc je crois que c’est ça en fait, c’est accompagner le manager au maximum même si on est jeune recruteur, il faut être rassurant. Ça, c’est l’expérience plutôt qui parle. Pour le candidat il faut aussi l’accompagner, je crois beaucoup à l’accompagnement des candidats. Parfois, on a tendance justement à ne pas suivre les candidats ou ne pas les écouter. Moi je demande beaucoup aux candidats de me rappeler après l’entretien avec le manager pour me dire ce qu’ils en ont pensé, parce que ça me permet aussi de voir finalement le type de questions posées par le manager. Ça me permet aussi de voir là où il met un accent plus qu’un autre. Et donc je me dis OK, moi il faut que dans mes futurs entretiens de recrutement, je puisse contrebalancer. C’est une forme de binôme ou de duo, mais où chacun va jouer sa partition. Et ça doit permettre au candidat aussi de faire le meilleur choix puisque le candidat aujourd’hui, les candidats sont en situation de choix.

L’étincelle RH [00:17:34] Tu mets le focus en effet sur un point essentiel qu’est l’attention qu’on a vis-à-vis du candidat. Comment on garantit une bonne expérience candidat dans des processus que tu évoquais, où on voit 20, 30 ou 40 candidats ? Est-ce que notre expérience candidat, elle est bonne dans ces cas-là ?

David [00:17:53] Spontanément, je dirais non. On ne peut pas apporter la même attention à 3-4 candidats versus si on en a 15 ou 20, très clairement. Pour autant, et ça c’est une règle que chaque recruteur peut s’appliquer s’il le souhaite : il faut quand même apporter de l’attention. Certes, on ne va pas apporter 15 ou 20 minutes à chaque candidat si on en a 20, mais potentiellement en 5-7 minutes on peut appeler le candidat pour lui demander ce qu’il en a pensé, est-ce qu’il est toujours dans la course, etc. Il faut quand même que le candidat sente qu’il a une une vraie place. Ce n’est pas, comme on a pu connaître il y a quelques années déjà, ça n’est pas un pion, ça n’est pas un numéro. Non, c’est une personne, c’est un candidat. Aujourd’hui ça va bien, demain ça ira un peu moins bien, il y a des contraintes professionnelles, des contraintes personnelles dont il faut parfois tenir compte et éventuellement, je préfère un candidat qui me dise « est-ce qu’on peut reporter le rendez vous parce que là, en ce moment, c’est un peu compliqué pour moi » plutôt que la personne qui va venir et qui va effectivement totalement se planter durant l’entretien avec le manager. Parce que se planter avec un recruteur c’est une chose, mais se planter avec un manager on peut se dire que là, de toute façon, c’est terminé.

L’étincelle RH [00:19:20] Et cette peur de se planter elle est présente dans tous les environnements ou avec tout type de manager ? Ou tu as connu des organisations ou c’était plus fort et plus présent ? Est-ce qu’il y a des facteurs qui jouent justement, dont on peut tenir compte en tant que recruteur pour réussir à mieux s’adapter à ces situations ?

David [00:19:37] Ce n’est pas l’organisation, mais c’est plutôt la personnalité du manager qui recrute. Très clairement. J’ai connu une grande époque où les managers, c’était ce que j’appelle de la « consanguinité », c’est-à-dire qu’ils avaient fait l’Essec et donc ils voulaient au sein de leur équipe que des gens qui avaient fait l’Essec, si possible la même filière ou la même dominante qu’eux. C’est ce que j’appelle de la consanguinité. Ils n’étaient pas du tout réceptifs à d’autres types de profils. Ca, c’est quelque chose qui a vécu depuis, même si de temps en temps ça revient. Il y a eu une époque où on était plutôt dans ce que j’appellerais le « disruptif », donc on prenait des candidats qui potentiellement… enfin les managers voulaient des candidats qui n’avaient rien à voir avec la fonction. Très bien. Là aussi, c’est quelque chose qui a vécu avec une quantité de plantages assez phénoménale. Donc je pense que c’est très lié aussi à la personnalité du manager qui recrute. On le sait, dès le démarrage, il y a des managers qui sont extrêmement conciliants, vous en avez d’autres qui sont extrêmement durs, donc c’est aussi à nous de nous adapter. L’adaptation qu’on a, c’est l’adaptation avec le candidat et notamment les clés que l’on peut donner au candidat pour réussir son entretien avec le manager. En revanche, enfin pour ma part, il y a quelque chose avec lequel je ne mégote pas, c’est non négociable, c’est : compétences, compétences, compétences. Je ne recrute que par les compétences. Le candidat a les compétences attendues ou il ne les a pas. S’il a les compétences attendues, ok, on présente. S’il n’a pas les compétences, on le présente pas. Avant toute chose c’est ça, ça garantit aussi l’équité de traitement entre les candidats. C’est-à-dire, comme je le dis souvent aux candidats, que vous soyez jaune, vert, bleu, ça n’est pas un sujet pour moi. Le seul sujet pour moi, c’est que vous soyez compétent. Point final.

L’étincelle RH [00:21:38] Et à propos de compétences, c’est quoi un bon recruteur compétent pour toi ?

David [00:21:44] *rires* Alors bon recruteur déjà, je ne sais pas. Et bon recruteur compétent. Wow! Un bon recruteur, c’est celui qui va à la fois comprendre le besoin, mais qui va aussi j’allais dire « projeter ». Quand on fait du recrutement, parfois, on l’associe un peu à la gestion de carrière. Quand on rencontre parfois un candidat, on se dit « OK sur le poste il a toutes les compétences attendues, mais sa personnalité est telle que c’est quelqu’un qui va, entre guillemets, exploser les compteurs ». Et donc on va le recruter pour le poste aujourd’hui, mais on peut déjà projeter le candidat au sein de l’organisation pour les 3, 5, 7 ans qui viennent. J’en ai rencontré quelques-uns, on sait que c’est des gens qui auront un parcours assez exponentiel au sein de l’organisation. Là, ça, c’est un super recrutement et là c’est très très facile. Mais ça oblige bien évidemment à avoir de l’assertivité avec les candidats, etc. Ça c’est quelque chose qu’on fait quand on a un peu plus d’expérience, pas quand on est jeune recruteur. Et puis un recruteur compétent, c’est celui qui va effectivement ne pas se laisser polluer par tous les désidératas des managers qui veulent ceci qui veulent cela. Et c’est celui qui va aussi être en capacité de présenter des profils qui sont parfois un tout petit peu différents de la commande initiale, mais avec des personnalités et des compétences qui vont répondre aux besoins. Peu importe qu’il soit jaune, vert, bleu, ce n’est pas important. Le principal, c’est qu’il soit compétent.

L’étincelle RH [00:23:31] Merci David. Est-ce que c’est facile de venir partager ses peurs de DRH ?

David [00:23:37] Ce n’est jamais un exercice très facile, mais ce n’est pas non plus… Ces peurs elles sont là, on les a vécues, c’est l’expérience qui parle. Donc si ça peut être utile à d’autres, allons y.

L’étincelle RH [00:23:50] Est-ce que la fonction RH pour toi a besoin de gagner en authenticité justement ?

David [00:23:55] Complètement. Elle a besoin de gagner en authenticité, en vérité, parler vrai, être en écoute et parler vrai à la fois aux collaborateurs, à la fois aux managers, et à la fois à sa propre direction. Ne pas cacher la copie, ça ne sert à rien et c’est contre productif de toute façon, pour la fonction, et c’est parce que parfois on peut avoir caché la copie ou ne pas avoir été totalement transparent, que de toute façon ça nous revient très très vite en boomerang. Il faut être honnête et j’allais dire transparent surtout, notamment avec avec les managers. Un manager qui n’est pas au niveau faut le lui dire. Mais il ne faut pas lui dire qu’il n’est pas à niveau, il faut lui dire qu’il y a un certain nombre de manques et qu’on va l’accompagner justement pour résoudre ces manques. C’est pas casser les gens, c’est comment on va pouvoir les accompagner, les développer de manière à ce qu’ils deviennent des meilleurs managers.

L’étincelle RH [00:24:52] Et comment on gère ces peurs, en tant que DRH ? Sur qui on s’appuie ? On l’évoque en transparence avec son son boss en permanence ? C’est quoi les clés pour gérer ses peurs en tant que DRH ?

David [00:25:04] Alors avec son boss, c’est plus compliqué. Parce qu’avec son boss on peut avoir effectivement un peu la crainte d’un jugement, même si ce n’est pas toujours le cas. Mais c’est assez difficile de s’ouvrir à son boss. Surtout que le boss, il ne connaît pas le métier, il ne sait pas ce qu’on fait la plupart du temps, tout ce qu’il veut c’est que ça fonctionne. Donc en parler avec lui, c’est plus difficile. J’allais dire on parle plutôt de ses peurs avec ses confrères de la fonction RH. C’est ça qui est important aussi, c’est de pouvoir échanger et de se dire « en ce moment j’ai une problématique X, j’ai besoin d’en parler à quelqu’un et à une ou deux personnes et j’ai besoin d’avoir en face un effet miroir, j’ai besoin aussi d’avoir des inputs ». J’ai besoin soit de conforter la position qui est la mienne, soit éventuellement, il faut que je sois aussi capable d’entendre qu’un autre DRH va me dire « je ne l’aurais pas appréhendé sous cet angle-là, moi je l’aurais plutôt pris sous cet angle-là, pour telle et telle raison ». Et ça permet aussi effectivement parfois de se réajuster par rapport à des peurs qu’on peut avoir. Je pense que c’est plutôt avec ses pairs que l’on peut avoir ce genre de discussion.

L’étincelle RH [00:26:21] En parlant de pair justement, si tu avais un DRH à nous recommander, intéressant pour venir parler de ses peurs, ses doutes et qui oserait le faire, tu penses à qui ?

David [00:26:30] David Sampoux.

L’étincelle RH [00:26:31] C’est qui David Sampoux ?

David [00:26:33] David Sampoux c’est un collègue DRH. On a une expérience commune chez le même employeur. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, totalement différent de moi. Je crois que c’est pour ça aussi que je l’apprécie beaucoup. C’est quelqu’un qui est dans la résistance et dans la résilience. Et c’est pour moi, ça force l’admiration. Donc je pense que David, c’est quelqu’un qui peut parler aussi de différents aspects de la fonction RH.

L’étincelle RH [00:27:05] Bon David, si tu nous entends tu recevras probablement un SMS très bientôt de ma part. Pour terminer David, quelle est l’émotion qui est la plus présente dans ton quotidien de DRH ?

David [00:27:19] Il y en a deux. La première émotion, c’est « les journées n’ont que 24h malheureusement », je n’ai pas le temps de tout faire en une journée. Ça, c’est une émotion qui me taraude tous les jours. Et puis la deuxième…

L’étincelle RH [00:27:37] C’est la frustration de ne pas pouvoir tout faire dans la journée ? David [00:27:40] Oui. Mais c’est un métier où on fait plein de choses, on fait du micro-sujet et du sujet stratégique et donc il faut basculer de l’un à l’autre. Voilà, les journées de 24h ne sont pas assez longues pour faire tout ce qu’on voudrait faire et pour répondre à toutes les sollicitations, toutes les demandes, etc. Puisque tout le monde a besoin d’un avis RH sur tel ou tel sujet, donc on, enfin moi je suis extrêmement sollicité. Mais ça n’a rien de négatif quand je dis ça, c’est plutôt moi. Ça me manque que les journées n’aient que 24h parce que je voudrais en faire encore plus. La deuxième émotion, c’est ne jamais oublier quelle est notre matière de travail, c’est l’humain, et donc l’humain doit rester au centre et au cœur de nos préoccupations. C’est important, c’est important d’avoir de l’écoute aussi pour les collaborateurs. Parfois, ils ont juste besoin de s’asseoir dix minutes, d’exprimer eux-mêmes une émotion et parce qu’ils l’ont exprimé au DRH ça va déjà mieux pour eux. Voilà, notre rôle c’est aussi ça. Ce n’est pas de faire de l’assistanat social du tout, c’est absolument pas ça, c’est aussi de temps en temps prendre un peu le temps pour écouter un collaborateur. Ça, c’est un driver au quotidien.

L’étincelle RH [00:20:07] Merci d’avoir écouté Bande de Flippés. Un podcast imaginé et produit par L’étincelle RH en partenariat avec myRHline. Si vous avez des remarques, des suggestions ou si vous voulez partager vos peurs, n’hésitez pas à envoyer un message sur LinkedIn à Etienne Ageneau ou Christophe Patte. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh.