Objectivité mon amour

Ramasse ce papier qui traîne, je te dirai qui tu es

Depuis des mois, on voit fleurir des actions de recrutement toutes plus créatives et “innovantes” les unes que les autres : recrutement vidéo, ramassage de déchets sur la plage, sessions de running ou encore “speed-jobing” avec un buzzer en mode “The Voice”…

Ces expériences peuvent être intéressantes en tant qu’elles donnent lieu à un autre mode de fonctionnement, qu’elles permettent aussi à des candidats éloignés de l’emploi d’y revenir peut-être plus facilement, et qu’elles sortent des codes habituels, pensant remettre “l’humain et le savoir-être au cœur”...

Mais parallèlement, si ces process veulent permettre d’ouvrir les shakras des recruteurs et de les faire sortir de leur routine pour rencontrer différemment des candidats amenés à se présenter dans un autre cadre, nous ne pouvons que nous interroger sur ce que cela génère en termes d’expérience candidat, mais aussi dans la relation avec les recruteurs et, in fine, dans la prise de décisions.

En fait, en voulant faire exploser les jalons habituels, on ouvre la voie à des dérives qui ne sont pas bénéfiques ni constructives. Recruter, c’est en effet mettre en oeuvre toutes les actions adaptées et pertinentes permettant d’identifier et d’embaucher la personne correspondant aux besoins et compétences requises pour un poste donné dans une organisation donnée. Le rôle des recruteurs est d’être le garde-fou des process qui vont permettre d’atteindre cet objectif, pour vivre des temps de rencontres riches, objectifs et constructifs, qui servent la projection des 2 côtés, dans les 2 sens. Mais alors, pourquoi organiser un tournoi de badminton pour recruter des comptables ? Comment ensuite justifier que “Vous êtes resté.e sur le fond du terrain, ça veut dire que vous aurez du mal à vous adapter à l’équipe demain”…?

Evaluer des candidats, ça ne s’improvise pas ! La notion clé, c’est l’o-bjec-ti-vi-té !

Etre objectif, c’est considérer une situation avec un angle factuel et rationnel, pour mettre de côté ses stéréotypes et préjugés. Le problème ? On est influencés par tout ce qui nous entoure ! Notre éducation, nos croyances, nos expériences, nos collègues… Il a même été prouvé que l’heure d’une audience avait une influence sur la décision du juge ! Alors comment faire ? Comment gagner en objectivité tout en prenant en compte la dimension humaine ?

2 leviers : prendre conscience de ses biais et s’outiller

La première chose à faire, c’est justement prendre conscience de ce qui nous influence. Du nom sur le CV à la photo sur LinkedIn, de la tenue de la candidate au tic de langage du candidat, tout peut avoir un impact, qui amène à ce fameux : “Non mais il·elle est bien hein, mais… Je ne l’ai pas senti·e”. Comment être disponible pour vivre pleinement la rencontre si avant même le début de l’entretien on se dit que “ça ne va pas le faire” ? Si on n’a pas de critères objectifs déterminés en brief, comment se positionner justement et factuellement ? Comment faire un retour négatif non discriminant et prendre la bonne décision ?

La deuxième chose à faire, c’est de s’outiller ! Pour avoir des critères partagés, il faut évidemment faire un brief en amont, mais aussi avoir les outils adaptés. Un guide d’entretien et une grille d’évaluation paraissent être les premiers éléments essentiels pour partir du bon pied : sinon, comment savoir quelles questions poser ? Et comment évaluer ? “On avait dit qu’on cherchait quelqu’un “d’autonome”, j’ai l’impression que c’est le cas : on le met où sur notre échelle de 1 à 5 ?”

Pour savoir si la personne en face peut être LA bonne personne, il faut que je puisse évaluer concrètement ce que je veux mesurer. Comment ? Avec quelles questions ? Quels outils ? Cela m’oblige aussi, en tant que recruteur·se, à me poser ces questions en amont et à définir mon cahier des charges par rapport au poste visé, dans le contexte donné. Attention cependant à ne pas nous transformer en robots ! Construisons des outils qui, justement, laissent place au dialogue et à l’échange !

Hé oui, fonctionner avec cette logique et cette transparence permet aussi au candidat d’être dans une vraie rencontre, pas dans un interrogatoire : on se pose mutuellement nos questions, on échange sur le poste, on se projette (ou non) ensemble en fonction des éléments abordés… Et on se choisit réciproquement !

Le résultat ?

Etre objectif vous demandera sûrement de prendre du temps au début pour repenser vos process et vos actions de recrutement. Mais ensuite, quelle facilité de dérouler les échanges ! Attention, construire un process permettant d’être objectif risque d’être addictif… Vous avez tout à gagner !

  • Un gain de temps, pour capitaliser sur des outils éprouvés, aller à l’essentiel dans les échanges et optimiser les rôles des différents acteurs
  • Des échanges constructifs quelle que soit l’issue du process, pour les 2 parties, et dans le ton de la marque employeur (bonus !)
  • Une expérience candidat réfléchie et aboutie
  • Un timing respectueux et optimisé

Si on est sensibilisé.e aux biais et outillé.e, on peut alors vraiment se concentrer sur la personne, puis prendre du recul et croiser les regards pour prendre la meilleure décision. Associer dimension humaine et objectivité, c’est tout un art…qui peut s’apprendre, s’exercer et s’affiner avec le temps ! Ouf !

Ouvrir ses shakras…mais ne pas s’improviser chaman !

Jusqu’où pouvons-nous aller pour recruter ? Sky is the limit ? Se réinventer est toujours une bonne idée, et c’est ce qui donne aussi du sens à notre métier. Mais si c’est pour générer encore plus de biais, pas sûr que ce soit utile, bénéfique et impactant. Parfois, à vouloir faire mieux, on casse les codes… et le cadre qui va avec. Dans ce cas, bye-bye symétrie des attentions, raisonnement factuel et décision objective…

A l’Etincelle RH, on défend le recrutement pour qu’il soit et demeure une pratique responsable et éclairée. Oui, les choses évoluent, et tant mieux ! La lettre de motivation n’est plus indispensable pour postuler, LinkedIn permet plus d’échanges entre recruteurs et candidats, les réseaux sont nombreux et très actifs… On est impatients de voir de quoi sera fait le recrutement demain, et on est contents d’y contribuer ! Mais n’oublions pas que le candidat est au centre de tout cela, et que notre rôle est bien de pouvoir porter le juste regard sur lui, pour aider à prendre la bonne décision pour toutes les parties.