J’ai peur de voir un·e candidat·e disparaître du process

Bande de Flippés, c’est notre podcast en partenariat avec myRHline.

Dans cet épisode : Jeanne-Laure Vallet nous confie sa peur de voir un candidat disparaître du process.

Vous pouvez l’écouter, ou simplement lire la transcription ci-dessous.

Bouh !


Jeanne-Laure [00:00:01] J’ai peur de voir un candidat disparaître d’un process.

L’étincelle RH [00:00:06] Bienvenue dans Bande de Flippés, le podcast qui explore les peurs des DRH et des recruteurs. Que l’on ait 2 ou 20 ans d’expérience dans la fonction, les doutes subsistent, inhérents à la complexité de la nature humaine. A qui puis-je en parler ? Dois-je partager à ce sujet ? Où trouver les solutions ? Nous partons à la rencontre de DRH, RH, recruteurs et recruteuse qui se confient à notre micro et ont décidé d’affronter la peur de parler de ses peurs.

L’étincelle RH [00:00:31] On se retrouve aujourd’hui avec Jeanne-Laure, Directrice associée du cabinet Vendredi treize. Une triple spécialisation : juridique, administration des entreprises et ressources humaines. Cofondatrice à 34 ans d’un cabinet de recrutement dédié aux métiers du notariat. Et pourtant, flippée. Bonjour Jeanne-Laure.

Jeanne-Laure [00:00:48] Bonjour Étienne.

L’étincelle RH [00:00:49] Est-ce que tu peux nous expliquer la peur?

Jeanne-Laure [00:00:51] Ma peur aujourd’hui c’est celle qui, à mon avis, est commune à pas mal de recruteurs : c’est la peur de voir un candidat disparaître soudainement, ou pas, d’un process.

L’étincelle RH [00:01:00] Quand est-ce qu’on perd justement un candidat ? Quand est-ce que le candidat disparaît ?

Jeanne-Laure [00:01:06] Alors pour moi il y a plusieurs types de disparitions : il y a la disparition définitive et la disparition temporaire. On commence à perdre un candidat quand les nouvelles se font quand même de plus en plus rares, ou alors quand c’est de plus en plus compliqué d’interagir avec lui. Ou alors, ça arrive quand même moins mais ça nous est déjà arrivé, le « plus de son, plus d’image » à un moment donné. Et oui, on n’en a plus jamais eu.

L’étincelle RH [00:01:31] Comment on réagit dans ces cas-là ? Ou quelle émotion tu ressens quand tu sens que ton candidat est en train de lâcher prise et qu’il disparaît de ton processus ?

Jeanne-Laure [00:01:40] Au tout début, quand on commence notre métier de recruteur, on est vraiment très déçu. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on a envie de pleurer mais presque, parce qu’il y a eu quand même beaucoup d’énergie, beaucoup d’investigation, on y met beaucoup de cœur. Et puis plus on avance dans le métier, plus on devient finalement blasé. Alors je ne sais pas si le mot est très joli, mais en fait, on est vraiment habitué. On est fatigué parce qu’il faut tout recommencer, quand on démarre une recherche on n’a plus confiance 100 % dans le candidat. On se dit que c’est pas parce qu’on l’idéalise, qu’on se dit « lui ne fera jamais ça » que finalement il va pas disparaître. C’est toujours ce 1 %, 2 % de chance, même avec des top candidats, qui disparaissent. Donc c’est un risque quand on met un candidat dans un process.

L’étincelle RH [00:02:28] Est-ce que ce risque il est lié au recruteur en lui-même ? Est-ce que quand on perd un candidat, c’est qu’on n’a pas été bon en tant que recruteur ? Est-ce que c’est un juste retour des choses dans l’expérience candidat ? On a souvent dit « les cabinets, les entreprises ne répondent pas donc les candidats font pareil maintenant ». Comment t’analyses en effet cette situation ?

Jeanne-Laure [00:02:45] Il y a plusieurs choses. Je pense que quand on démarre notre métier on a absolument envie de closer, donc on va oublier de parler d’un sujet ou on va faire exprès de ne pas voir, par exemple, que la rémunération va être trop juste. On le sait, mais on va jamais en parler jusqu’au bout et finalement, on sera pas surpris de la disparition parce qu’on savait que ce serait un sujet sensible, mais on n’avait pas envie de le mettre sur la table. Donc voilà on l’a mis un peu sous le tapis. Donc ça, c’est le premier niveau. Le deuxième niveau, c’est effectivement, il y a quelque chose qu’on a peut-être loupé. Pour autant, on pensait qu’on avait tout bordé mais en fait il y a un truc qui nous a échappé. Soit on ne savait pas qu’il y avait des recherches qui avaient déjà été initiées depuis un moment, qu’il y avait déjà plusieurs propales parce qu’on n’a pas eu envie de l’évoquer. Encore une fois, je pense qu’on s’est mis des oeillères sur un sujet, mais moins que sur le premier cas où finalement on savait que ça pouvait être foutu en l’air. Et puis après, il y a vraiment l’effet surprise où on a tout fait, on l’a accompagné, on a été bon et à un moment donné, on ne sait pas pourquoi, il y a eu une discussion avec un conjoint, il y a eu quelque chose et le candidat disparaît ou en tout cas sort du process. Soit il disparait ou en tout cas il nous dit qu’il va disparaître. Mais effectivement, sur la disparition, il y a plusieurs choses. Et puis il y a l’humain qu’on a en face et qui n’a pas pris le soin de prendre son téléphone alors qu’on a été proche de lui aussi. Donc c’est pas forcément de la faute du recruteur. Ca peut, le recruteur qui a oublié quelque chose ou qui a peut-être mal fait son travail à un moment donné. Mais parfois aussi il y a le comportement de la personne qu’on a en face. Voilà, c’est l’aléa humain, et ça on ne l’a pas forcément anticipé.

L’étincelle RH [00:04:24] Et comment on fait pour pour sécuriser ce processus alors, par rapport à tous les aléas que tu évoques ? C’est quoi la bonne expérience de candidat pour réussir et éviter cette situation ?

Jeanne-Laure [00:04:33] La proximité déjà. C’est quelqu’un qu’on a au téléphone peut-être pas tous les jours mais quasiment, parce que nous nos process sont quand même relativement courts. Quand il y a une première rencontre ça va quand même relativement vite, donc on l’accompagne au début. C’est à dire qu’au début on a fait un bon entretien exploratoire, on connaît ses attentes, on sait ce dont il n’a pas envie, on connaît aussi l’environnement travail qu’on va lui présenter et on est capable de savoir déjà dès le départ si ça va lui convenir par rapport à ce qu’on aura su capter. Et ensuite, c’est vraiment être bon sur plein de choses. On lui livre effectivement le maximum d’infos nous déjà sur le poste, mais aussi la version macro qu’on a sur le secteur d’activité. Nous en l’occurrence c’est le notariat, on le prépare à l’entretien. Parfois on a même été avec mon associé jusqu’à aller chercher un candidat, en l’occurrence une candidate, à la gare pour l’emmener effectivement chez un client. Donc on préparel’entretien, on débriefe aussi après les entretiens, on va aussi parfois jusqu’à réfléchir à un moyen de garde, parce que des fois il y a un changement de ville, donc c’est des projets de vie. On va vraiment loin en fait, pour faire en sorte effectivement de faire tomber tous les freins et on fait en sorte aussi de négocier les meilleures conditions de travail. C’est pas que financier, il y a plein d’à-cotés comme vous savez, et ça ça va jusqu’à la fin. Donc le candidat est capable, qu’il aille ou pas dans le process (enfin qu’il décide d’accepter la proposition ou pas), c’est un candidat qui est capable de nous remercier et de nous, ce qui nous arrive quand même de plus en plus fréquemment, de nous recommander des amis qui sont en recherche dans des secteurs où on peut avoir des emplois. Donc pour nous, ça nous facilite quand même le travail. Et là, effectivement, on sécurise un maximum le process.

L’étincelle RH [00:06:24] Certains recruteurs diront que tout ce que tu évoques là, c’est très chronophage et qu’ils n’ont pas le temps de le faire. Comment tu réponds ? On doit prendre le temps ? On n’a pas le choix ? En effet ça dépend des organisations ?

Jeanne-Laure [00:06:35] Ça dépend des organisations et ça dépend aussi des marchés sur lesquels on intervient. Je sais que nous, effectivement, on est sur des marchés qui sont quand même très tendus, un marché qui est très tendu qui est le notariat, donc de toute façon on a rarement des short list. Ça arrive, mais on en a rarement. Et quand on a un ou deux candidats, en fait, on est concentré et consacré en fait à ce candidat parce que l’enjeu est trop important. On sait que derrière, on n’en aura pas forcément 50. Donc si on a le temps, quand on a un candidat on a le temps et en tout cas, on le prend.

L’étincelle RH [00:07:04] T’as souvenir d’une situation qui t’a marquée d’un candidat qui a disparu du process ?

Jeanne-Laure [00:07:09] Oui, c’est pas si récent que ça mais oui. C’était au cabinet justement, dans le cadre d’une recherche qui était un peu compliquée, en périphérie d’une grande ville et une candidate qui habitait justement dans le village où on cherchait et en fait, elle a accepté la promesse d’embauche. Tout était OK et du jour au lendemain, plus de son plus d’image. C’est mon associé qui l’a appelée parce qu’il n’avait pas son numéro pour essayer de voir un petit peu et donc je ne sais plus quel était l’excuse donnée. Mais ça a été aucune explication, donc très déstabilisant pour nous, pour notre client qui était très content, qui l’avait rencontrée deux fois et on n’a pas d’explications à donner.

L’étincelle RH [00:07:49] Et avec du recul aujourd’hui, est-ce qu’il y a des choses tu te dis « on aurait dû faire différemment, on aurait pu faire autrement » ou non ?

Jeanne-Laure [00:07:54] Non, parce que même notre client avait la main sur la relation avec sa future collaboratrice et lui, il a été aussi surpris que nous. On était comme on a été d’habitude et non là c’était vraiment un comportement qu’on n’avait pas anticipé, un revirement de situation et on n’a jamais su pourquoi.

L’étincelle RH [00:08:12] Je suis un jeune recruteur, j’écoute le podcast aujourd’hui, je vis ça de manière très régulière, c’est quoi les leviers ? Comment je peux agir pour réduire ce risque au maximum ?

Jeanne-Laure [00:08:24] Peut-être en amont, expliquer ou mettre suffisamment le candidat en confiance pour lui expliquer que si jamais il change d’avis ou si jamais il se passe quoi que ce soit, il ne faut pas qu’il se cache et qu’il nous le dise tout de suite et qu’on comprendra qu’il n’y a pas d’obligation. Et d’ailleurs, il n’y a aucune obligation quand il y a des rencontres, des entretiens, etc. Mais je pense que nous, on se met tellement de pression qu’on n’a pas envie d’envisager qu’il y a une disparition. Mais en fait, pour éviter les disparitions sans raison, il faut du coup mettre à l’aise sur le fait que ça peut arriver, on peut changer d’avis et en tout cas il faut le dire et on est là. On est des humains, on est capable de le comprendre quoi. Mais tout le monde n’a pas le courage de prendre son téléphone, de dire « Voilà, je vous le dis, je n’y vais pas » et c’est là où c’est difficile.

L’étincelle RH [00:09:05] Et hormis cet élément, est-ce qu’il y a dans les étapes clés du parcours de recrutement des étapes pour toi qui sont essentielles pour justement sécuriser aussi cette situation ?

Jeanne-Laure [00:09:14] C’est plus de la régularité, ce n’est pas des étapes clés. C’est toujours les mêmes méthodes en fait. On reste proche, on échange facilement, mais ça ça veut dire que le candidat il est joignable, il se rend joignable en fait. Il est dans un process, il se rend joignable, donc son téléphone sonne, il est capable de sortir alors qu’il est à son poste, qu’il va en changer. Peu importe. C’est pas une étape clé, c’est vraiment l’accompagnement et c’est du début jusqu’à la fin. En général il y a peu d’étapes, on loupe pas d’étapes, même si ça va vite. Des fois il y a des recrutements, c’est pas la majorité mais qui peuvent aller très vite, trois ou quatre jours et c’est bouclé. Mais on a fait toujours ce qu’il fallait, donc en fait les étapes… Quand on a oublié quelque chose, on peut s’en vouloir mais en général, effectivement, avec la même méthodologie, c’est payant.

L’étincelle RH [00:10:06] Et quand on perd un candidat, parfois c’est lié à une étape avec un manager, avec le client quand on est en cabinet, comment on gère ces situations-là ? S’il y a des étapes dont on maîtrise pas finalement tous les tenants et aboutissants, parce que c’est le manager, c’est le client, comme on lui dit ? Comment vous gérez ce type de situations ?

Jeanne-Laure [00:10:25] On met les formes, mais effectivement, on est obligé de lui indiquer qu’il n’a pas forcément fait un bon entretien. Aujourd’hui on sait que la séduction elle est à 50/50 donc finalement les employeurs… les rôles sont inversés quasiment aujourd’hui. Je pense que ça se produit sur tous les métiers, donc effectivement on lui dit que la prochaine fois il y a telle ou telle chose qu’il ne faut pas dire. Dans nos méthodes aussi on briefe nos clients sur les entretiens. Donc il n’y a pas de surprise, on connaît nos candidats, on est capable de savoir où il faut appuyer. Mais des fois, effectivement, il y a des choses qui nous échappent. Il y a des clients qui font de l’anti-vente parce qu’ils prennent peur, et du coup on est là aussi pour leur rappeler. C’est notre rôle de conseil et on doit leur dire.

L’étincelle RH [00:11:12] Justement on parle des peurs aujourd’hui, comment on gère un manager qui a peur et qui fait que finalement il prend pas la décision, ça avance pas ? Comment on accompagne les peurs d’un client ou d’un manager ?

Jeanne-Laure [00:11:22] On le rassure comme on peut. À un moment donné une collaboration c’est toujours un test, donc il y a une phase d’essai effectivement, il y a des périodes d’essai d’ailleurs c’est fait pour ça. Parfois elles sont certes trop courtes, mais elles sont là pour ça. Et à un moment donné il faut se lancer de toute façon. S’il y a un besoin, c’est qu’il ne peut pas faire sans en général, sinon il ne fait pas appel à nous. Donc on est là aussi pour les booster, pour les stimuler, ils attendent ça de nous aussi. On les secoue, on ne dit pas forcément toujours ce qu’ils ont envie d’entendre et c’est aussi pour ça qu’ils font appel à nous.

L’étincelle RH [00:11:50] Quel conseil ou quelle clé tu donnerais à quelqu’un qui démarre dans le recrutement en cabinet, dans les conseils, pour justement réussir à bien gérer une relation avec un manager ou avec un client ?

Jeanne-Laure [00:12:01] C’est la disponibilité. Alors c’est vrai que c’est compliqué. Bon, nous on est à notre compte donc c’est différent. Mais c’est vrai que pour un consultant, des fois c’est difficile d’être disponible. ?Nous on est quand même assez disponible, que ce soit tôt le matin, tard le soir. Et sortir aussi du rôle du recruteur, c’est à dire qu’on n’est plus forcément des fois de recruteur à client. On parle aussi de choses qui sont un petit peu irrationnelles pour nos clients ou même d’ailleurs pareil avec les candidats. On les force finalement à s’interroger sur les peurs qu’ils ont, parce que c’est des histoires d’ego, il y a plein de choses en fait. Et donc forcément, si on se met à choisir le genre, etc, c’est compliqué et c’est des conditions qui sont difficiles. Mais on est là aussi pour remettre un peu tout ça en place. Et puis, de toute façon, s’ils font appel à nous, c’est aussi pour qu’on soit capable de leur dire les choses.

L’étincelle RH [00:12:54] Et quelle émotion on ressent quand on perd un candidat à cause de la peur d’un manager ? Ce qui fait que j’ai le bon candidat qui correspond parfaitement à son besoin, mais la peur fait qu’il va faire fuir le candidat. Qu’est-ce qu’on ressent en tant que recruteur et comment on gère ?

Jeanne-Laure [00:13:08] On est dans une relation de prestataire à client, donc on n’a pas la décision finale. Même si on oriente effectivement, on est obligé de recommencer en fait. On est obligé d’arriver à un résultat. Pas à 100% mais on a un cahier des charges, et on est obligé de se dire « c’est son choix ». On aura beau effectivement faire tout, on sait où s’arrêter. On insiste forcément, mais on sait où s’arrêter.

L’étincelle RH [00:13:34] Quelle est ta vision, c’est quoi pour toi un bon recruteur ? Si on devait parler du métier en lui-même.

Jeanne-Laure [00:13:43] Un bon recruteur c’est… Alors on est en contact avec des candidats parce qu’on a un besoin, on a une recherche, donc on a quelque chose à proposer. Mais un bon recruteur, c’est quelqu’un qui est capable d’avoir des échanges avec des candidats sans forcément avoir quelque chose à vendre entre guillemets. Je pense que c’est être détaché du métier ou de ce pour quoi on appelle et d’arriver dans une relation qui peut être sympa justement parce qu’on on est content d’avoir des échanges avec des candidats. Même si on sait que, entre guillemets, on n’ira pas forcément dans un process, mais au moins on a fait quelque chose, y a eu un échange sympa et pour moi un bon recruteur c’est ça, c’est quelqu’un capable de sortir de son rôle justement. On n’est pas des copains, c’est sûr, mais de sortir de son métier et d’être aussi là en conseil, même si finalement c’est nous, on va apporter à la personne et la personneva rien nous donner en échange. Voilà, alors on aura su quand même l’accompagner d’une manière ou d’une autre. Du coup, c’est chouette, c’est toujours sympa. Oui un bon recruteur c’est ça. Après un bon recruteur, c’est effectivement aussi quelqu’un qui a un taux de réussite à 100. Mais je dirais sur le métier et sur l’humain, parce que je vois notre métier vraiment comme un métier où on n’aime pas forcément aider les gens, mais on aime les gens, on s’intéresse vraiment aux gens, donc de savoir s’intéresser sans forcément avoir quelque chose à gagner derrière.

L’étincelle RH [00:15:09] On dit parfois en cabinet qu’on a deux clients : les entreprises et les candidats. Tu partages cette vision ?

Jeanne-Laure [00:15:14] Complètement. Parce que nos candidats sont parfois nos clients de demain. Donc oui, tout à fait. Ils nous recommandent, bien sûr. Je ne dirais pas que nos candidats sont plus importants que nos clients, mais presque. Parce que finalement, le nerf de la guerre, c’est vraiment les candidats.

L’étincelle RH [00:15:31] Et en cabinet, comment on gère ses peurs ? On en parle à ses clients quand on a des peurs sur des recrutements qu’ils nous ont confiés ?

Jeanne-Laure [00:15:37] Non. Alors on leur dit pas « ça va pas être simple, je vous préviens », parce que de toute façon ils sont au courant puisqu’ils font appel à nous. Mais non, on alerte. C’est-à-dire qu’au fur et à mesure on commence nos recherches et à un moment donné, on commence nous à avoir des points de vigilance. Qu’est-ce qui fait qu’on n’a pas trouvé à J+15, J+20 ? On fait des points d’étape réguliers et effectivement on alerte. On dit « c’est pas simple parce qu’il y a tels éléments, tels éléments, tels freins », ça peut être la réputation, il y a plein de choses assez classiques, mais il n’y a pas de peur, il n’y a pas de recrutement qui soit infaisable. Voilà, c’est le principe de base, on va dire ça comme ça.

L’étincelle RH [00:16:18] C’est quoi l’émotion qui est la plus présente dans ton quotidien ?

Jeanne-Laure [00:16:22] Ce qu’on se dit souvent.. il y a les montagnes russes parce qu’effectivement c’est l’euphorie, parce qu’on est super content, on a eu un super candidat, tout va bien se passer. Et puis un moment donné, notre client va nous dire « bah non mais en fait je vous arrête tout de suite, ça pour moi c’est rédhibitoire » donc pas on redescend. C’est toujours vraiment en dents de scie. Après quand même je dirais plutôt des émotions positives que négatives. En tout cas, moi je le vis comme ça. Beaucoup d’adrénaline parce qu’il y a du challenge. Si on fait ce métier, c’est parce qu’il y a quand même la culture du résultat, sinon ça n’a aucun intérêt. Puis après il y a, je sais pas si vous partagez, mais on rigole beaucoup dans notre métier, c’est aussi pour ça qu’on a créé le cabinet. Donc voilà c’est ça les émotions principales.

L’étincelle RH [00:17:13] Et on arrive à créer cette émotion avec les candidats assez facilement ? Ou il y a une distance naturelle ?

Jeanne-Laure [00:17:19] Ça dépend des candidats.

L’étincelle RH [00:17:22] C’est-à-dire?

Jeanne-Laure [00:17:23] Il y a des candidats qui n’ont aucun second degré. On est sur des métiers quand même, avec des codes assez particuliers donc on a des candidats qui sont dans leur posture et qui n’en sortent pas. Mais ils sont très rares quand même. Et puis après, vous avez des candidats qui sont justement très contents de parler à des recruteurs parce qu’ils lâchent ce qu’ils ont à lâcher sur leur profession et on en discute, on en rigole et puis après on parle de perso, etc. Donc on peut vite nouer, tisser des liens. Mais tout de suite, quand on essaie de rompre la glace, de briser la glace, on sait tout de suite si c’est possible ou pas avec le candidat. Quand c’est pas possible, on reste très professionnel, on ne sort pas du cadre et moi, ça m’amuse pas du tout. Mais s’il faut le faire, on le fait.

L’étincelle RH [00:18:08] Est-ce que t’as une situation à nous partager où tu t’es sentie justement prise au dépourvu par un candidat qui disparaît totalement du processus ?

Jeanne-Laure [00:18:15] Oui. Quand une personne fait deux entretiens chez un de nos clients, tout se passe bien, promesse d’embauche signée, le contrat de travail avait peut-être même déjà été signé. Et puis notre client l’appelle une fois pour voir les modalités de l’embauche, discuter intégration, pas de nouvelles deux fois, trois fois. Il nous dit « bon, je m’inquiète parce qu’elle donne plus de nouvelles et je vous avoue que ça laisse rien présager de bon pour la suite et pour la collaboration » et puis on a jamais, jamais, jamais eu une nouvelles. En l’occurrence, ça c’était mon associé qui l’avait rencontrée, cette personne et ce qui est hallucinant, c’est que un mois plus tard ou deux mois plus tard, elle me contacte sur les réseaux pour me dire qu’elle est en recherche et elle voulait savoir si… c’était plus Paris en l’occurrence, elle ne cherchait plus à Paris, mais elle avait dû suivre quelqu’un à Lyon, si j’avais des postes à Lyon.

L’étincelle RH [00:19:18] Et t’as échangé avec elle ? T’en as profité ?

Jeanne-Laure [00:19:19] J’en n’ai pas profité parce qu’à l’époque je n’avais pas le temps et c’était de l’énergie un peu à consacrer pour rien. Mais il aurait fallu oui. On n’a pas rebondi sur le sujet.

L’étincelle RH [00:19:26] Et avec du recul, est-ce que tu dis qu’il y a des choses que vous auriez pu faire de manière différente avec cette candidate ?

Jeanne-Laure [00:19:31] Peut-être qu’avec du recul, effectivement, les choses ont été très vite, mais il fallait aller vite et que pour le coup, tout s’est fait aussi à distance. Et c’est aussi les problématiques de notre métier. Mine de rien, quand on voit les gens physiquement, quand on serre des mains etc, l’engagement n’est pas le même. Et là, en l’occurrence, c’était un process à distance (ce qui est rare parce que même des process à distance, on a des liens quand même assez forts avec des candidats et pour le coup, il n’y a pas de disparition), mais là en l’occurrence c’est allé vite, marché compliqué Paris. Et c’est vrai que voilà, plus de nouvelles et on n’en a plus jamais eues d’ailleurs. Enfin sauf via les réseaux, mais parce qu’elle ne savait pas que moi et mon associé on était le même cabinet.

L’étincelle RH [00:20:12] Vous êtes sur un marché restreint finalement, très dédié aux métiers du notariat, comment ça joue sur l’expérience candidat ? Est-ce que ça veut dire que ça amplifie votre exigence sur le sujet ? Est-ce que ça fait une expérience comme tout cabinet ?

Jeanne-Laure [00:20:25] Non, l’impact il est énorme parce que c’est des tout petits milieux, c’est vraiment un circuit très fermé, donc surtout quand on travaille sur des zones géographiques bien précises. On sait que la recommandation elle peut être très forte, donc l’enjeu pour nous est très important, ça peut nous faire gagner beaucoup de temps, ça peut alimenter notre réseau positivement parce que quand on a effectivement des besoins, on sait que potentiellement on a une personne ou deux personnes qui peuvent être intéressées, que ce sont des bons profils. Donc c’est encore plus important. De toute façon, il faut bien faire son métier parce que la réputation elle se fait, elle se défait très vite. Mais c’est vrai que sur des marchés comme les nôtres, c’est encore plus important parce qu’il y a un enjeu qui est réel. Parce qu’une mauvaise expérience, on en a pas eu de mémoire, mais une mauvaise expérience candidat effectivement, elle peut avoir un impact sur le réseau du candidat et sur des marchés de niche comme ça, ça peut être compliqué.

L’étincelle RH [00:21:28] Mais est-ce que ça veut dire que l’enjeu de maintenir le lien avec les candidats qu’on ne retient pas sur un besoin à un moment donné est encore plus important chez vous ? Parce que c’est forcément des candidats que vous risquez de rappeler très rapidement pour d’autres besoins ?

Jeanne-Laure [00:21:39] Ah oui, c’est pour ça qu’on prend des nouvelles régulièrement, même si le process n’est pas finalisé avec tel ou tel candidat, de son fait ou du fait d’un de nos clients. Effectivement, le lien on le maintient et ça nous prend beaucoup de temps. Ce qu’on appelle « l’animation de réseaux » oui, c’est important. Mais parce qu’un candidat qu’on rencontre un jour, et bien ça peut être un candidat qui effectivement rentre dans un process et puis intègre un poste chez un de nos clients et aussi qui devient un jour un de nos clients. Parce que nous il y a des transformations aussi qui sont importantes. Donc oui.

L’étincelle RH [00:22:17] Quels conseils tu donnerais à quelqu’un qui a envie de démarrer dans le recrutement ?

Jeanne-Laure [00:22:27] C’est des métiers qu’on fait parce qu’on a quand même une capacité de résilience importante. Je pense que ce n’est pas lié qu’à notre secteur qui est le notariat, tout le monde recrute. Quand vous allez dans la rue maintenant les camions sont floqués de « on recrute », je pense qu’ils le gardent à vie parce qu’en fait il y a une grosse distorsion entre l’offre et la demande. Je sais pas si on peut parler de plein emploi, mais en tout cas il y a de l’emploi et du coup, c’est compliqué. Donc effectivement il faut beaucoup de résilience, beaucoup de résilience. Et puis il faut de l’énergie, il faut une grosse culture du résultat aussi et puis de l’énergie, oui.

L’étincelle RH [00:23:07] Et comment on garde la motivation dans ce type de métier avec ces fameuses montagnes que t’évoquais tout à l’heure, avec les hauts et les bas, le candidat ça avance, on refait, on recommence en permanence les choses. Où tu trouves ta motivation ?

Jeanne-Laure [00:23:21] Dans la réussite, et puis après c’est vrai qu’il y a différents stades. Il y a le Chargé de recherche, le Consultant, il y a plusieurs niveaux. Donc effectivement, la motivation elle est dans le résultat parce que le résultat est satisfaisant pour nous coup quand on a réussi, à plein d’égards. Mais bon, effectivement, souvent dans nos métiers, les consultants sont objectivés aussi sur la réussite. Donc c’est des métiers où il faut être en réussite sinon on s’épuise vite.

L’étincelle RH [00:23:56] Qu’est-ce qui fait que tu es contente à la fin de la journée? 

Jeanne-Laure [00:24:00] J’ai fait ce que j’ai pu en général. Je sais que j’ai tout fait et que j’ai épuisé tous les canaux. Quand je suis en recherche, je me dis « je sais que j’ai cherché méthodiquement, j’ai épuisé tous les canaux de recherche, je suis capable de le quantifier ». Quand je suis en recherche, ça va être ça. Et ensuite, effectivement, j’ai donné des nouvelles aux personnes à qui je devais donner de nouvelles, mes candidats, les clients, j’ai briefé tout le monde, j’ai débriefé avec tout le monde s’il y a eu des entretiens. J’ai une to do, j’ai respecté ma to do, donc je suis satisfaite. Et alors quand il y a eu des recrutements, c’est encore mieux ! Il y a des jours avec et des jours sans.

L’étincelle RH [00:24:42] Merci d’avoir écouté Bande de Flippés. Un podcast imaginé et produit par L’étincelle RH en partenariat avec myRHline. Si vous avez des remarques, des suggestions ou si vous voulez partager vos peurs, n’hésitez pas à envoyer un message sur LinkedIn à Etienne Ageneau ou Christophe Patte. On se retrouve dans deux semaines pour découvrir un autre membre de la Bande de Flippés. Bouh.